Londres (awp/afp) - Le yen a brièvement sombré jeudi à un niveau plus vu depuis 1990 tandis que la livre accélérait sa hausse face au billet vert, en pleines spéculations sur un éventuel revirement budgétaire de Downing Street.

La publication jeudi de l'inflation américaine pour septembre, plus élevée que prévu, a suffi à convaincre les cambistes que la Réserve fédérale américaine (Fed) allait poursuivre ses hausses des taux coûte que coûte.

Quelques instants plus tard, le yen sombrait à 147,67 yens, un centime moins cher qu'au plus fort de la crise de la devise en 1998 et amenant la monnaie à son plus bas depuis 1990.

La veille, le patron de la Banque du Japon Haruhiko Kuroda avait au contraire maintenu sa position: la politique monétaire extra-souple convient à son pays.

En théorie, il peut se le permettre car "l'inflation et les salaires restent relativement bas" au Japon, explique à l'AFP Carol Kong, de Commonwealth Bank of Australia.

Au Japon, l'inflation a atteint 2,8% en août sur un an (hors produit frais), au-dessus du niveau visé par la Banque du Japon à 2% mais bien loin des 8,2% enregistrés en septembre aux Etats-Unis.

M. Kuroda estime même que la dépréciation du yen pourrait avoir un effet positif sur l'économie.

Par exemple, "les touristes américains vont probablement profiter de la faiblesse du yen" qui dope leur pouvoir d'achats, commente Mme Kong, alors même que les frontières ont récemment été rouvertes aux touristes après une longue fermeture depuis le début de la pandémie.

Intervention coûteuse

Pourtant, face à la fonte du yen, qui perd 22% de sa valeur depuis le début de l'année, le gouvernement japonais avait décidé d'intervenir sur le marché des changes pour renflouer la devise, une première depuis 1998.

L'opération aura utilisé 3.000 milliards de yens (environ 21 milliards de dollars) des amples réserves de changes du Japon, estime le quotidien économique Nikkei.

Les cambistes se demanderont désormais si le gouvernement japonais et la Banque du Japon vont à nouveau intervenir sur le marché des changes pour soutenir la devise.

"La dernière fois qu'il y a eu deux interventions rapprochées sur le yen était en 1998" et "l'effet sur le taux de change n'avait duré qu'entre deux et cinq jours, ce qui a aussi été le cas en septembre", remarque Christopher Wong, de Oversea-Chinese Banking Corp.

Selon lui, "la BoJ est plus inquiète de la rapidité de la baisse que du niveau de la devise", et attend donc que le marché devienne aussi fiévreux que fin août, quand le cours du yen bondissait de un ou deux yens par jour.

Le dollar écrase d'autres devises : la livre était tombée il y a peu à son plus bas historique, et l'euro se morfond sous le seuil de la parité.

Pas de Plaza à l'horizon

En 1985, la dernière fois que le billet vert était aussi fort, plusieurs gouvernements, dont celui des Etats-Unis, s'étaient accordés pour dévaluer le dollar lors des accords du Plaza.

Mais pour l'instant, Washington ne montre aucune volonté d'abaisser le niveau du dollar, qui participe à limiter l'inflation outre-Atlantique.

"Il faudrait des changements énormes sur le plan macroéconomique, à commencer par une baisse significative de l'inflation américaine, pour imaginer qu'une intervention coordonnée sur le marché des changes soit justifiée", estime George Saravelos, analyste chez Deutsche Bank.

En attendant, le reste du marché reste extrêmement volatil: la livre britannique prenait 1,90% à 1,1312 dollar, portée par des spéculations sur un possible changement de position du gouvernement britannique sur son plan budgétaire controversé.

Selon des informations de l'agence Bloomberg, une volte-face est à l'étude dans les bureaux de la Première ministre comme ceux du ministre des Finances, mais aucune décision n'a pour l'instant été prise.

Le plan budgétaire de la nouvelle Première ministre Liz Truss est dans le viseur des marchés depuis que l'annonce de mesures très coûteuses et non chiffrées avait fait douter les investisseurs de la capacité du Royaume-Uni à rembourser sa dette.

Les taux d'emprunt de l'Etat britannique se sont envolés et la livre a chuté à son plus bas historique par rapport au dollar.

Depuis Washington, le ministre des Finances Kwasi Kwarteng a pourtant affirmé jeudi à la BBC que la position du gouvernement "n'a pas changé. Je présenterai un plan budgétaire à moyen terme le 31 octobre, comme je l'ai déjà dit cette semaine".

afp/rp