par Marc Angrand

Les petites et moyennes entreprises et les ETI (entreprises de taille intermédiaire, jusqu'à 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires), regroupent près de 99% des entreprises françaises, emploient les trois quarts des salariés et dégagent les deux tiers de la valeur ajoutée globale.

Eprouvés par la crise et la récession, leurs dirigeants se déclarent à 83% confiants pour 2011 et anticipent une croissance de 5,1% de leur chiffre d'affaires, après celle de 2,1% en moyenne enregistrée en 2010, selon le dernier baromètre Banque Palatine/Challenges/i>Télé réalisé par Opinion Way.

L'enquête a été réalisée en novembre auprès de 300 entreprises de 15 à 500 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Plus paradoxal, les chefs d'entreprise interrogés se montrent plus optimistes pour leur propre entreprise que pour l'économie française dans sa globalité.

"Une partie importante et croissante de nos entreprises vont chercher de la croissance à l'international", dit Daniel Karyotis, président du directoire de Banque Palatine (groupe BPCE).

"Aujourd'hui, il n'est pas rare en France, de voir des entreprises qui font 60%, 70%, voire 95% de leur chiffre d'affaires à l'export. Les entreprises n'ont pas le choix."

LES CHANGES ET LES MATIÈRES PREMIÈRES INQUIÈTENT

Un constat qui bat en brèche l'opinion largement partagée selon laquelle l'export serait LE handicap des PME françaises, notamment face au "Mittelstand", le tissu des entreprises petites et moyennes allemandes souvent cité en exemple.

"En réalité, le vrai sujet n'est pas un problème d'international, c'est un problème de taille", ajoute Daniel Karyotis.

Un jugement validé par les chiffres: alors que l'Allemagne compte plus de 50.000 entreprises de 50 à 250 salariés, soit 14,5% du total, la France n'en a que 33.500, soit moins de 11%. Problème: les PME hésitent encore à engager les investissements nécessaires pour réduire cet écart face à la persistance de lourdes incertitudes économiques.

Selon l'enquête d'OpinionWay, une PME ou ETI sur deux ne prévoit aucun investissement en innovation ou en R&D en 2011.

"Tous les cycles de l'économie qui se passaient sur 10, 12 ans auparavant ont subi une accélération fantastique et brutale", explique Jean-François Roubaud, le président de la CGPME, principale fédération patronale de PME en France.

"On est sur des cycles de deux ans, deux ans et demi, trois ans maximum, donc très courts. Ça change tous les comportements du chef d'entreprise."

Parmi les incertitudes qui perturbent aujourd'hui les entreprises figurent en bonne place la volatilité des prix des matières premières et celle des taux de change, soulignent aussi bien Daniel Karyotis que Jean-François Roubaud.

"Une PME, même une ETI, n'a pas toujours les moyens de se couvrir: c'est réservé aux grandes entreprises. Donc elles prennent les évolutions de plein fouet", explique le premier, en évoquant les espoirs des dirigeants de PME de voir le G20 réguler ces marchés.

"LES FANTÔMES DE LA RÉCESSION"

Ces préoccupations l'emportent largement sur celles liées aux difficultés de financement et de trésorerie, qui dominaient pendant la crise.

Les robinets du crédit se sont, de fait, progressivement rouverts: les crédits aux PME étaient en hausse de 5,3% sur un an en novembre par rapport au même mois de 2009, selon les dernières statistiques de la Banque de France.

Mais tous les risques n'ont pas disparu pour autant. "On arrive aujourd'hui à l'époque du bilan annuel, c'est là qu'on va mesurer l'impact de l'activité, de la baisse de certains prix sur les marchés, de la situation des trésoreries et de la hausse de certains matériaux", dit Patrick Liébus, le président de la Capeb, principale fédération d'artisans du bâtiment, qui préfère parler de "transition" économique plutôt que de reprise.

"Les fantômes de la récession sont toujours là", résume-t-il. "Les banques ont intérêt à jouer le jeu sur le début de l'année avec les entreprises: quand la trésorerie arrive au bout, si les banques ne jouent pas le jeu, c'est la disparition de l'entreprise."

De ce point de vue, les PME s'inquiètent aussi de la perspective de l'entrée en vigueur des nouvelles normes financières de "Bâle III", qui pourraient dissuader certains établissements de crédit de prêter à des entreprises jugées trop peu solides.

"On essaie de dire aux PME qu'il n'y a pas que la banque qui peut assumer le financement de la croissance", dit Jean-François Roubaud. "C'est important d'user de tous les outils que la PME n'a pas l'habitude de mobiliser."

Edité par Yves Clarisse