* L'avocat des parties civiles veut attaquer les chirurgiens

* Celui de PIP reconnaît l'utilisation d'un gel non conforme

* L'Afssaps également mise en cause

par Gérard Bon

PARIS, 27 décembre (Reuters) - L'avocat de quatre porteuses d'implants mammaires de la société française PIP a annoncé mardi qu'il allait assigner au civil les chirurgiens qui auraient manqué à leur devoir d'information et la société allemande Tüv, qui certifiait leur qualité.

Le but est d'obtenir pour les victimes de prothèses défectueuses l'indemnisation qu'elles risquent de ne pas obtenir dans le volet pénal, Poly Implants Prothèses (PIP) ayant été déclaré en faillite en 2010, a dit Laurent Gaudon.

L'avocat se fonde sur un arrêt de la cour d'appel d'Aix de 2008 qui a déjà ciblé la responsabilité d'un chirurgien pour "manquement au devoir d'information" dans des faits qui remontent à 1996 mais concernaient déjà des prothèses PIP.

Outre les sociétés PIP et Tüv, Me Gaudon veut cibler les chirurgiens qui auraient continué à opérer des patientes avec des implants PIP malgré des ruptures. (voir )

Dans l'arrêt de la cour d'Aix, la patiente a subi quatre déchirures d'implants PIP et se serait vu réinsérer à chaque fois cette marque sans en avoir été informée, a-t-il dit.

L'avocat de PIP, Yves Haddad, qui reconnaît que la majorité des implants de la société étaient fabriqués avec du gel non conforme (voir ) depuis sa création en 1991, a lui aussi pointé du doigt la responsabilité des chirurgiens.

"Ce sont quand même les chirurgiens qui ont implanté ces prothèses mammaires dans le corps des femmes, ils devraient intervenir un peu plus pour dire quel est leur sentiment et quelle est leur position", a-t-il déclaré à Reuters.

De son côté, Philippe Courtois, l'avocat de 1.300 autres plaignantes, demande que Jean-Claude Mas, le président fondateur de PIP, soit mis sous contrôle judiciaire pour éviter toute fuite avant son procès.

SILENCE ACHETÉ

"Je suis très étonné que la juge d'instruction Annaïck Le Goff ne l'ait pas auditionné, mis en garde à vue et mis sous contrôle judiciaire", a-t-il dit.

Les protagonistes de l'affaire devraient se retrouver avant fin 2012 au centre d'un procès pour "tromperie aggravée", mais aussi d'une instruction judiciaire ouverte pour "blessures et homicide involontaire". (voir )

Selon son avocat, Jean-Claude Mas réside actuellement dans le Var et est prêt à se rendre à toute convocation judiciaire.

Pour Philippe Courtois, PIP a tenté d'acheter le silence des femmes mécontentes bien avant que le scandale éclate en 2010.

"PIP a traité directement avec les femmes porteuses de ses prothèses en 2007-2008 et cela aussi bien en France qu'en Grande-Bretagne", affirme-t-il. (voir )

"PIP aurait ainsi proposé 1.500 euros et une paire de prothèses à des femmes non satisfaites. L'information ne remontait pas ainsi aux cliniques et à l'Afssaps (Autorité française de sécurité sanitaire des produits de santé)", ajoute-t-il.

L'avocat de PIP a reconnu cette pratique, mais a expliqué qu'il s'agissait d'une décision contractuelle.

Les choses sont, pour Yves Haddad, claires puisque Jean-Claude Mas reconnaît avoir violé la législation.

"Il y a un produit fabriqué par la société PIP qui n'a pas reçu formellement l'agrément et à ce titre il y a une infraction à la réglementation", a-t-il dit.

"La société PIP n'a pas demandé l'agrément. Ils ne l'ont pas fait certainement par négligence car ils l'auraient reçu", a-t-il cependant estimé dans un entretien à Reuters.

CHARGE CONTRE L'AFSSAPS

L'avocat a amorçé une contre-attaque en s'interrogeant sur l'intervention, tardive, selon lui, des autorités de contrôle;

Il souligne ainsi que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) n'est ainsi intervenue qu'à la suite d'une dénonciation anonyme.

Pour Yves Haddad, la question que l'on pourrait poser à l'Afssaps, c'est de savoir si des contrôles avaient été réalisés avant cette dénonciation anonyme .

"Est-ce que l'Afssaps n'avait pas des relations permanentes avec la responsable qualité de PIP?", s'interroge avocat qui ajoute : "La réponse est oui".

Si des produits étaient fabriqués avec du gel non conforme, l'Afssaps "n'avait pas le droit de l'ignorer. Si elle l'ignorait, c'est qu'elle est négligente", estime l'avocat.

Dès 2000, les autorités sanitaires américaines avaient adressé une mise en garde à PIP sur la qualité de ses implants fabriqués à l'aide de sérum physiologique. ( )

L'Afssaps a déclaré mardi ne pas avoir trouvé trace d'un avertissement de son homologue américaine, ajoutant qu'elle n'avait pas à être obligatoirement mise au courant pour un problème qui n'était pas de type sanitaire à l'époque. (Avec service France, édité par Yves Clarisse)