par Christian Lowe

Le monopole gazier russe Gazprom a indiqué avoir livré environ 65 millions de mètres cubes de gaz à l'Europe mardi via le territoire ukrainien, ce qui représente une chute de 78% par rapport aux 300 millions de mètres cubes acheminés depuis le début de la crise, le 1er janvier.

L'Union européenne, dont 25% du gaz est fourni par la Russie, a appelé Moscou et Kiev à trouver une solution cette semaine.

La République tchèque, présidente en exercice de l'UE, a déclaré envisagé "l'option extrême" d'un sommet à trois UE-Russie-Ukraine.

"La seule solution est d'aller tout droit à la table de négociations", a estimé le ministre tchèque de l'Industrie, Martin Riman, après des discussions à Berlin avec Alexandre Medvedev, le vice-président de Gazprom.

"La partie russe est prête à le faire (...) et je m'attends à ce que la partie ukrainienne, après des discussions (avec elle) à Kiev soit aussi prête", a précisé Riman, qui avait aussi rencontré des responsables ukrainiens plus tôt à Kiev.

Le dirigeant de la compagnie publique ukrainienne Naftogaz a annoncé qu'il se rendrait à Moscou jeudi. Gazprom de son côté a fait savoir qu'il était prêt à discuter à tout moment.

L'approvisionnement en gaz russe des pays des Balkans et de la Turquie est quasiment à l'arrêt.

En France, GDF Suez a fait état d'une baisse de plus de 70% de ses livraisons de gaz russe transitant par l'Ukraine tout en assurant qu'il garantissait l'approvisionnement de l'ensemble de ses clients.

L'Allemagne, où les températures ont atteint dans la nuit de lundi leur niveau le plus bas en près de 30 ans, a prévenu que des pénuries étaient à craindre si le litige perdurait et si le thermomètre continuait d'afficher des températures négatives.

En Italie, les livraisons de gaz russe sont inférieures de 90% à leur niveau habituel.

La Russie et l'Ukraine se rejettent mutuellement la responsabilité de la crise qui suscite l'inquiétude en Europe en plein coeur de l'hiver.

Les cours du contrat sur le gaz pour livraison le lendemain ont grimpé de 18,5% à Londres, atteignant leur niveau le plus haut depuis fin octobre, soutenus par les températures particulièrement basses et les anticipations de problèmes d'approvisionnement en Grande-Bretagne en cas de prolongation du conflit.

KIEV ET MOSCOU SE RENVOIENT LA BALLE

Le porte-parole de Gazprom Sergueï Kouprianov n'a pas donné d'explications à la baisse brutale des livraisons.

"Il y avait une demande s'élevant à 130 millions de centimètres cubes. Nous avons fourni ce volume moins 65,3 millions de centimètres cubes", a dit le porte-parole à des journalistes, en faisant référence au volume de gaz destiné aux marchés européens qui serait selon Moscou détourné par l'Ukraine.

Gazprom accuse également Kiev d'avoir bloqué tôt mardi trois importants gazoducs et se présente comme l'otage du "comportement irresponsable" des Ukrainiens, qu'Alexandre Medvedev accuse de "menacer de réduire davantage les approvisionnements" gaziers de l'Europe.

"L'Ukraine a volé du gaz non pas à la Russie mais à des consommateurs qui l'ont acheté et payé", a estimé de son côté le Premier ministre russe Vladimir Poutine.

L'Ukraine accuse de son côté la Russie d'être responsable de la crise et le président Victor Iouchtchenko a affirmé que Moscou allait continuer à diminuer son approvisionnement de l'Europe et peut-être même le suspendre totalement.

La République tchèque, qui assume la présidence tournante de l'Union européenne, a dit envisager la possibilité d'organiser un sommet réunissant l'UE, la Russie, et l'Ukraine.

"Toutefois elle n'est pas encore à l'ordre du jour car nous tenons à ce que les parties concernées parviennent à un accord", a déclaré le Premier ministre Mirek Topolanek.

La Russie a décidé de suspendre le 1er janvier ses livraisons à l'Ukraine en raison d'un différend sur les nouveaux tarifs de Gazprom et les arriérés réclamés par le géant gazier russe à Kiev. La crise a mis en évidence la dépendance des Européens au gaz russe.

Mais la plupart des grands pays européens disposent d'importantes réserves accumulées à la suite d'une série d'hivers doux et ils ont la possibilité de s'approvisionner par le biais de l'Algérie et de la Norvège.

"S'il y a des baisses importantes dans les livraisons à l'Union européenne, la question clef sera de savoir si cela va durer longtemps. Mais il faudrait que cela se prolonge pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois pour que cela crée des problèmes pour les consommateurs de l'ouest de l'Europe", estime Simon Blakey, directeur du département de recherche européenne à Cambridge Energy Research Associates.

Avec Pavel Politiouk à Kiev et les bureaux européens, version française Gwénaelle Barzic