Le dispositif annoncé en septembre dernier par l'institution de Francfort lui permet de racheter des obligations souveraines sans montant limite prédéfini. Même s'il n'a jamais été mis en oeuvre, il a contribué par sa seule existence à apaiser les tensions sur la dette dans la zone euro.

Il continue toutefois de susciter un vif débat en Allemagne, en particulier les critiques virulentes de la Bundesbank, dont le président Jens Weidmann fera valoir son point de vue devant les juges, face à son compatriote Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE. Les audiences se prolongeront mercredi.

La Cour ne rendra pas son verdict avant les élections législatives du 22 septembre mais elle pourrait indiquer ce qu'elle pense du dispositif ou dire si le dossier entre dans ses compétences.

Des juristes estiment que, pour la première fois, elle pourrait renvoyer le dossier à la Cour européenne de justice.

Les juges de Karlsruhe doivent évaluer la légalité des OMT au regard de la loi fondamentale de la République fédérale et de ses prescriptions en matière de contrôle des questions budgétaires par le parlement.

Ils ne peuvent pas ordonner à la BCE de supprimer son programme de rachat d'obligations. Mais s'ils estiment que les OMT enfreignent le droit souverain du parlement sur le budget, ils pourraient en revoir certains aspects, comme leur caractère "illimité".

PARTI EUROSCEPTIQUE

La Bundesbank estime que le programme OMT "compromet l'indépendance de la banque centrale" et revient à faire marcher la planche à billets pour financer les Etats en difficulté. La BCE maintient que le dispositif s'accorde avec son mandat, qui est de garantir la stabilité des prix.

Plus de 35.000 Allemands ont déposé un recours contre le mécanisme, reflet de la fatigue d'une partie des contribuables face à ce qu'ils considèrent comme le financement injustifié par leur pays d'Etats membres trop dépensiers.

Pour la première fois depuis le lancement de l'euro en 1999, un parti prônant le retour au deutsche mark, l'Alternative pour l'Allemagne, se présentera en septembre à des élections fédérales, même s'il n'est crédité que d'environ 3% des voix, sous le seuil requis de 5% pour entrer au parlement.

Peter Gauweiler, membre de la frange eurosceptique des conservateurs, estime que les OMT constituent un financement d'Etat, via la BCE, en violation de la loi et qu'ils n'ont permis d'imposer qu'un "calme trompeur" sur les marchés.

Pour sa part, Jörg Asmussen a mis en garde lundi, dans un entretien au Bild, premier tirage d'Allemagne, contre une censure du mécanisme par la Cour de Karlsruhe qui aurait selon lui des "conséquences sérieuses".

Pour certains experts, la Cour constitutionnelle sera probablement amenée à approuver l'action de la BCE, tout en lui demandant de stipuler clairement qu'elle n'utilise pas la politique monétaire pour financer les budgets d'Etats membres.

"Répondre à cette requête ne constituerait pas un problème, car la BCE n'a pas encore achevé de rédiger la documentation légale", note Andreas Rees, économiste à Unicredit Research.

En avril, son président Mario Draghi avait déclaré que le document était actuellement en cours d'élaboration et qu'il serait dévoilé le moment venu.

Nicolas Delame et Jean-Stéphane Brosse pour le service français

par Stephen Brown