BUDAPEST, 9 février (Reuters) - La principale association de la communauté juive hongroise a décidé dimanche de se tenir à l'écart des cérémonies de commémoration de l'Holocauste si elles ne montrent pas plus clairement le rôle des Hongrois dans la déportation des juifs vers les camps nazis.

Le gouvernement du Premier ministre conservateur Viktor Orban prévoit de marquer par l'inauguration d'un nouveau mémorial de l'Holocauste le 70e anniversaire des événements de juin 1944, lorsque 437.000 juifs de Hongrie furent déportés en quelques semaines vers l'Ukraine alors occupée par l'Allemagne. Au total, un demi-million de juifs hongrois ont péri avant la libération du ghetto de Budapest en 1945.

A l'issue d'un vote, le président de l'Association des congrégations juives de Hongrie (Mazsihisz), Andras Heisler, a expliqué que l'association était notamment opposée au projet de mémorial.

"Si nous n'obtenons pas une réponse réelle du gouvernement sur ces questions, notre décision (sur le boycott) deviendra définitive", a déclaré Andras Heisler aux journalistes, ajoutant qu'il voulait une réponse rapide.

Mazsihisz déplore que le futur mémorial de l'Holocauste, en cours de construction près d'une gare de Budapest qui a servi de point de départ pour les déportations, minimise le rôle joué par les Hongrois.

Pour participer aux commémorations officielles, Mazsihisz veut aussi que le gouvernement renonce à son projet de construire un monument dans le centre de Budapest près de l'ambassade des Etats-Unis qui décrirait la Hongrie comme une victime de l'agression allemande.

"Son symbolisme contribuerait de façon significative à écarter la responsabilité nationale", déclare Mazsihisz dans un communiqué.

Le gouvernement fasciste de Hongrie a d'abord été l'allié d'Hitler, avant que le pays ne soit occupé en 1944 quand l'Allemagne nazie a découvert que Budapest, après avoir perdu beaucoup d'hommes sur le front Est en se battant contre les Soviétiques, négociait en secret une reddition avec les Alliés.

L'association veut aussi que le gouvernement limoge le directeur d'un nouvel institut d'Histoire parce que celui-ci a qualifié la déportation en 1941 de dizaines de milliers de juifs de "mesure politique pour les nationaux étrangers".

Les dirigeants de la communauté juive déplorent la persistance de l'antisémitisme dans le pays d'Europe centrale qui abrite la plus large communauté juive autochtone d'Europe (100.000 personnes), et ils regrettent que la Hongrie n'ait pas réussi pleinement à affronter son passé en temps de guerre.

En novembre dernier, le parti d'extrême droite Jobbik, troisième formation parlementaire du pays, a inauguré une statue du dirigeant Miklos Horthy, dont le régime s'allia à l'Allemagne hitlérienne et participa à la déportation des juifs.

Alors que des élections législatives sont prévues en avril, le gouvernement dit vouloir la réconciliation et assure mener une politique de "tolérance zéro" à l'égard de l'antisémitisme.

Le gouvernement a dit vouloir commémorer la mémoire de toutes les victimes des événements survenus après l'occupation nazie le 19 mars 1944, qui "méritent l'empathie et une commémoration honorable". (Sandor Peto; Jean-Stéphane Brosse et Danielle Rouquié pour le service français)