Dans un secteur qui a longtemps compensé la faiblesse de sa croissance par la solidité de son rendement, Telefonica et Telekom Austria ont brisé un tabou en décembre en annonçant une réduction de leur dividende.

Désormais, les analystes s'attendent à ce que KPN, France Télécom, Telecom Italia et Portugal Telecom ajoutent leur nom à la liste cette année ou l'an prochain.

Le problème, c'est qu'en réduisant leur dividende, les opérateurs traditionnels, à commencer par les ex-monopoles plombés par des dettes et des coûts élevés, risquent de se priver de l'un de leurs rares attraits aux yeux du marché.

A la différence de leurs concurrents américains comme AT&T ou Verizon, les opérateurs européens ne sont pas encore parvenus à faire du succès des smartphones et des tablettes un levier de rentabilité. La concurrence tire en effet à la baisse les tarifs du mobile sur de nombreux marchés au moment où ces sociétés doivent engager de lourds investissements dans la fibre optique et les réseaux de quatrième génération.

"Le secteur se prépare à un lent déclin au fil du temps, il est donc difficile de le considérer comme un refuge", résume Bruno Grandsard, gérant chez Axa Investment Management.

"Si le monde s'écroule comme en 2008 après la chute de Lehman Brothers, bien sûr il faudra en avoir, mais dans le cas contraire, je ne considère aucun des opérateurs télécoms historiques comme une proposition intéressante."

LES RENDEMENTS DOPÉS PAR DES VALORISATIONS FAIBLES

Certes, certaines valeurs ont encore des arguments à faire valoir, à commencer par les sociétés en croissance comme le français Iliad, qui vient de faire une entrée spectaculaire sur le marché du mobile, ou le câblo-opérateur allemand Kabel Deutschland.

Mais parmi les grands noms du secteur, seuls Vodafone et Telenor résistent encore grâce à leur croissance dans les pays émergents d'Asie et d'Afrique et à la solidité relative de leurs activités européennes. Tous deux ont augmenté leur dividende ces dernières années et entendent continuer à le faire.

Le secteur européen des télécoms dans son ensemble se traite actuellement près de ses plus bas niveaux depuis 10 ans, avec un ratio cours/bénéfice (PER) de 9,5 contre 9,9 pour les services aux collectivités (utilities), 11,4 pour la santé et 14,7 pour les biens de consommation courante.

Le rendement moyen des télécoms, lui, ressort à 7,2%, un niveau élevé sans précédent depuis 1987 et qui représente plus du double du rendement moyen de l'ensemble des valeurs cotées en Europe.

Séduisant à première vue, un tel rendement ne fait en réalité que traduire la faiblesse des valorisations, et souligne paradoxalement le peu de confiance accordé par les investisseurs à la capacité des opérateurs à maintenir leur dividende.

Les amateurs de rendement se tournent donc vers d'autres secteurs, comme la santé ou l'alimentation. Sur les douze derniers mois, alors que les télécoms ont perdu 10,3% en Bourse, la santé progressait de 13,2% et l'alimentation de 7,2%.

LA DETTE DE PLUS EN PLUS COÛTEUSE

La crise de la dette souveraine en Europe aggrave en outre la situation des grands opérateurs : les plans d'austérité incitent les consommateurs à surveiller leurs dépenses, tandis que la hausse des rendements obligataires renchérit leurs coûts de financement.

Résultat, les investisseurs établissent désormais un lien direct entre les opérateurs et la note souveraine de leur pays d'origine.

Le coût de protection contre un risque de défaut de Telefonica sur sa dette a ainsi bondi de 30% depuis la mi-juillet, celui de Telecom Italia de 39% et celui de Portugal Telecom - déjà élevé - de 12%.

"Si Portugal Telecom et Telefonica avaient leur siège en Allemagne, leurs coûts de financement seraient bien inférieurs", note Stuart Reid, analyste de Fitch Ratings. "Leurs coûts de financement dépendent en fait de facteurs qu'ils ne maîtrisent pas et qui n'ont aucun lien avec leurs activités de base."

France Télécom, de son côté, distribue depuis plusieurs années la moitié environ de ses cash flows à ses actionnaires, mais le titre affiche l'une des plus mauvaises performances du secteurs en raison de l'intensification de la concurrence sur le marché français.

"La question de l'avenir des dividendes dans notre secteur est une vraie question et beaucoup se la posent", a reconnu son directeur financier Gervais Pellissier, dans un entretien à Reuters.

"Nous avons toujours su que l'arrivée du quatrième opérateur mettrait sous pression notre génération de cash, et c'est encore plus le cas que nous ne le pensions il y a un an."

France Télécom s'est engagé en mai à payer un dividende de 1,40 euro en 2011 et 2012 et a promis pour la suite des dividendes stables. Son rendement est aujourd'hui de 12,2%, près du double de la moyenne du secteur.

avec Vincent Flasseur, Alexandre Boksenbaum-Granier et Blaise Robinson, Marc Angrand pour le service français, édité par Dominique Rodriguez

par Leila Abboud