par Brian Ellsworth

CARACAS, 2 avril (Reuters) - Un mois après sa mort, Hugo Chavez continue de conduire le choeur de ses partisans chantant l'hymne national vénézuélien.

La voix enregistrée de l'ancien président de la révolution bolivarienne couvre les meetings de son protégé, Nicolas Maduro, favori de l'élection présidentielle anticipée du 14 avril.

Qu'il célèbre dans des discours virulents le passé de militaire putschiste d'extrême gauche de son mentor, ou raconte à voix basse les derniers jours du président défunt, mort d'un cancer le 5 mars dernier, le président par intérim a fait du fantôme de Chavez la pièce maîtresse de sa campagne.

L'hymne chanté par Chavez s'achève par un tonitruant: "Vive le Venezuela!" ovationné par la foule. Puis un silence embarrassant s'installe avant que Maduro ne prenne la parole.

Extraite de son dernier discours public, c'est encore la voix du "Comandante" qu'on peut entendre sans cesse adouber son successeur s'il devait mourir d'un cancer.

Le visage d'Hugo Chavez, placardé sur les affiches, les pancartes brandies par la foule, est tout aussi omniprésent.

Dans ses meetings, Nicolas Maduro s'exprime rarement sans un poster géant de Chavez derrière son dos. Sur des affiches, un mot manuscrit signé du Comandante a été ajouté récemment: "A Maduro, de tout mon coeur."

Lors d'un rassemblement organisé ces jours-ci pour marquer la libération de prison d'Hugo Chavez en 1994 après une tentative ratée de coup d'Etat deux ans plus tôt, Nicolas Maduro affirmait: "Toutes les prophéties d'Hugo Chavez, le prophète du Christ sur cette terre, se sont avérées."

"Dans l'éternité, où que vous soyez, vous devez être fiers parce que vous avez laissé à votre peuple le plus grand héritage qui soit: une nation libre et indépendante sur la voie du socialisme", disait-il en s'adressant directement à cet homme tout autant adulé par ses partisans que haï par ses adversaires.

UNE PÂLE IMITATION ?

Les sondages donnent pour l'instant raison à l'ancien dirigeant syndicaliste, qu'Hugo Chavez a nommé vice-président après avoir été réélu en octobre dernier. Il devance de 14 points le candidat de l'opposition Henrique Capriles dans les intentions de vote.

Les stratèges de l'opposition sont à la fois impuissants et écoeurés face à l'exploitation du défunt président par le candidat du pouvoir.

Mais Henrique Capriles invoque fréquemment lui aussi le fantôme du président socialiste, pour mieux le comparer à Nicolas Maduro, qu'il appelle par son prénom et accuse de n'être qu'une pâle imitation de son maître.

Son leimotiv: "Nicolas, tu n'es pas Chavez".

Nicolas Maduro lancera formellement sa caravane de campagne ce mardi de la ville natale de Chavez, à Sabaneta, dans les plaines centrales du pays. Il parcourra le pays jusqu'au palais présidentiel de Caracas, suivant les traces de la carrière du défunt président, enfant d'une famille modeste devenu l'une des icônes mondiales de la gauche anticapitaliste.

Dépourvu du charisme de son mentor, Nicolas Maduro ne paraît pas encore très à l'aise lorsqu'il discute avec des ménagères ou des ouvriers d'usine. Ce que les chavistes savent pertinemment.

"Le Venezuela ne retrouvera jamais un président comme Chavez, il pourra y en avoir un qui essaie de lui ressembler ou de suivre ses pas, mais il n'y aura personne comme Chavez", dit une caissière de supermarché, Fiama Barrios, âgée de 21 ans, interrogée lors d'un meeting de Maduro dans un faubourg pauvre de l'ouest de Caracas.

"Pour Maduro, je ne peux pas dire, parce qu'il ne s'est pas montré à la présidence. Mais nous allons insister pour qu'il assume l'héritage de Chavez." (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)