(Actualisé avec précisions, discours)

BERLIN, 4 février (Reuters) - Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé Angela Merkel à appuyer la demande d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, mardi, mais rien n'indique que la chancelière l'ait entendu.

Lors d'une visite en Allemagne ternie par les critiques européennes contre la répression des manifestations de la place Taksim d'Istanbul, l'an dernier, et contre la récente purge du système judiciaire et policier, Recep Tayyip Erdogan a estimé que le soutien de Berlin à la candidature turque n'était "pas à la hauteur".

"Nous attendons davantage. Je voudrais vous rappeler que la communauté turque en Allemagne est plus importante que la population de nombre de pays européens", a déclaré le Premier ministre avant son entretien avec Angela Merkel à Berlin.

La chancelière, qui ne fait pas mystère de ses réticences à voir la Turquie entrer dans l'UE, n'a guère semblé sensible à cet argument.

"J'ai insisté sur le fait que nous sommes dans un processus de négociation qui s'achèvera certainement un jour mais n'a pas de calendrier précis", a déclaré Angela Merkel à la presse à l'issue de leur entretien.

"Ce n'est pas un secret, et cela n'a pas changé dans mon esprit, que je suis sceptique sur le fait que la Turquie puisse devenir membre à part entière", a-t-elle ajouté.

Cela ne doit pas toutefois empêcher les discussions de se poursuivre, a estimé la chancelière.

Il semble que Recep Tayyip Erdogan ait obtenu une concession de son homologue allemande sur le déblocage de deux chapitres très importants dans les négociations d'accession : le chapitre 23 à propos du système judiciaire et des droits fondamentaux et le chapitre 24, sur la justice, la liberté et la sécurité.

DROITS DE L'HOMME

"Je suis favorable au déblocage des 23 et 24", a déclaré Angela Merkel.

Le commissaire européen chargé de l'Elargissement Stefan Füle, a fait valoir que l'ouverture de ces chapitres serait un moyen efficace de s'attaquer à la question du respect des droits de l'homme en Turquie.

Recep Tayyip Erdogan a terminé sa journée à Berlin par un discours prononcé devant une salle de 4.000 personnes issues de la communauté turque émigrée en Allemagne. Quelque 3.000 personnes supplémentaires ont suivi son discours à l'extérieur sur des écrans vidéo.

Le Premier ministre turc a tourné en ridicule les accusations de corruption à l'encontre de son gouvernement en soulignant son bilan économique. Il a évoqué la forte croissance économique de son pays, la construction de 10.000 nouvelles routes et l'amélioration du système éducatif.

"Est-ce qu'on peut avoir ça dans un pays où il y a de la corruption?", a-t-il lancé à un public acquis. Il n'y a plus de torture dans les commissariats de police, a-t-il affirmé. "La Turquie est sûre. La Turquie est en de bonnes mains. Je veux que vous soyez fiers de votre pays", a-t-il dit.

Ankara a entamé des négociations d'adhésion à l'UE en 2005, dix-huit ans après avoir fait acte de candidature.

Le processus est depuis ralenti par la question du statut de Chypre, dont la Turquie occupe la partie Nord depuis 40 ans, et de la reconnaissance du génocide arménien. Il se heurte en outre à de fortes réticences de certains pays, dont l'Allemagne et la France.

Conscient de ces obstacles, Recep Tayyip Erdogan vient de se rendre à Bruxelles, où il s'est entretenu avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et à Paris, où le président François Hollande a apporté un soutien prudent à la candidature turque, dont son prédécesseur Nicolas Sarkozy ne voulait pas entendre parler. (Voir ) (Stephen Brown et Andreas Rinke; Tangi Salaün et Danielle Rouquié pour le service français)