PARIS (Reuters) - "Notre circonscription est en forme de V comme celui de la victoire !" A trois jours du premier tour des élections législatives, Caroline Mecary distribue des tracts sur un marché proche de Bastille, non loin de militants favorables à son principal adversaire, le ministre de l'Europe, Clément Beaune.

Ce duel dans une circonscription parisienne à cheval sur les 4e, 11e et 12e arrondissements est symbolique de celui qui s'annonce entre la majorité présidentielle et la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) emmenée par le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, que les sondages annoncent comme la future principale force d'opposition du Palais-Bourbon au sortir des scrutins des 12 et 19 juin.

Un sondage Ifop publié par Le Journal du Dimanche accorde une courte victoire (51%) à l'avocate de 59 ans, soutien de longue date des causes des homosexuels et des sans-papiers, face à Clément Beaune, 40 ans, qui a géré les dossiers européens à l'Elysée à partir de 2017 puis au gouvernement depuis 2020.

"Cette union donne une dynamique, donne envie. Les gens y croient et la relation que j'ai avec les citoyens sur le terrain me montre que c'est vraiment possible", dit Caroline Mecary à Reuters entre deux conversations avec des passants qui lui parlent pouvoir d'achat et "pass vaccinal".

"Mon premier combat c'est de remobiliser les électeurs qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon et de chercher aussi ceux qui se sont éloignés de la politique, dégoûtés par Sarkozy, Hollande et Macron", explique-t-elle. "Si je gagne, ça voudra dire que la gauche écologique et sociale aura réussi son pari".

En campagne dans le quartier du Marais après une matinée passée au Parlement de Strasbourg, Clément Beaune défend quant à lui un "programme responsable, européen" et attaque son adversaire en homme lui-même "venu de la gauche".

"Sur des sujets fondamentaux comme l'Europe, la lutte contre le communautarisme, les réformes économiques, la laïcité, il y a des ambiguïtés, des dérives et des lacunes graves chez Jean-Luc Mélenchon et chez sa candidate évidemment", dit-il.

Comme les 13 autres ministres en lice, Clément Beaune connaît la règle : en cas de défaite, il devra quitter le gouvernement. Une perspective qui freinerait une carrière jusqu'ici menée tambour battant depuis l'entrée en "macronie" de cet ancien militant socialiste.

AGRESSIVITÉ

Malgré l'incertitude, il ne regrette rien.

"Etre ministre ce n'est ni un confort ni un droit acquis", dit-il à Reuters. "Si je veux m'engager en politique, un bel engagement, nouveau pour moi, il est logique d'aller se confronter au risque électoral. Dans une démocratie, le suffrage universel est un risque par nature. Les électeurs décideront."

"C'est ma première campagne et je la vis dans mes tripes", ajoute-t-il avant d'aller longuement discuter avec des commerçants du quartier - cafés, crêperie, charcuterie casher.

Pour les militants de son camp croisés sur le marché du boulevard Richard-Lenoir, la campagne est d'autant plus intéressante que le combat est difficile, comme l'explique Blaise, qui a adhéré à En Marche en 2016 par amour de l'Europe.

"Militer pour quelqu'un dont vous savez que votre action peut lui permettre de gagner, c'est une grande récompense", dit cet entrepreneur de 58 ans, tout en reconnaissant devoir parfois faire face à une certaine agressivité lors des tractages.

"Les gens voient ce qu'ils n'ont pas obtenu plutôt que ce qui a été accompli. Quand on engage la discussion, on peut expliquer par exemple que la réduction du chômage permet d'engager des mesures sociales derrière", dit-il. "C'est plus facile d'écouter ceux qui critiquent et veulent tout casser que de comprendre ce qui a été positif et bien réalisé."

Un avis que ne partage pas Emma Rafowicz, présidente des Jeunes socialistes venue soutenir Caroline Mecary aux côtés de l'ancien député PS de la circonscription, Patrick Bloche.

"Clément Beaune représente Emmanuel Macron, c'est-à-dire la droite au pouvoir. L'ambassadeur du mépris de la jeunesse et des pauvres, de la baisse des APL (baisse du montant des allocations logements décidée en 2017-NDLR), de la retraite à 65 ans. Clément Beaune est l'ambassadeur de ce camp-là", accuse-t-elle.

(Reportage Elizabeth Pineau avec la contribution de Lea Guedj, édité par Sophie Louet)

par Elizabeth Pineau