L'agence de notation estime qu'Athènes pourrait devoir payer davantage qu'on ne le pensait pour ses emprunts. La note de la Grèce se situe désormais seulement quatre rangs au-dessus du statut réservé aux investissements spéculatifs.

Eurostat a également revu en hausse jeudi la prévision de déficit budgétaire de la Grèce, une mauvaise nouvelle de plus pour le gouvernement grec, qui peine tout autant à convaincre les marchés de ses capacités à résoudre les problèmes qu'à rallier la population à ses mesures d'austérité.

L'organisme de la statistique de l'Union européenne projette dorénavant un déficit budgétaire grec de 32,34 milliards d'euros, représentant 13,6% du PIB en 2009, contre 12,7% précédemment. Il prévoit aussi une dette publique qui se monte à 115,1% du produit intérieur brut (PIB).

Eurostat souligne aussi que ces chiffres pourraient être de nouveau révisés de entre 0,3 et 0,5 points de PIB et "exprime ses réserves sur la qualité des données communiquées par la Grèce".

"Ce qui m'inquiète le plus, c'est l'incertitude qui plane sur les chiffres publiés officiellement par la Grèce. Cela affecte la perception des marchés (...) qui se montre défiants envers les statistiques grecques et font craindre une révision toujours plus à la hausse du déficit" analyse Giada Giani, économiste chez Citigroup.

Après ces deux annonces, la prime de risque pour détenir des obligations grecques s'est considérablement alourdie sur le marché et l'écart de rendement entre les obligations grecques et allemandes à dix ans a atteint un nouveau plus haut de 12 ans à 616 points de base.

L'euro a dans le même temps reculé à 1,3260 dollars, soit son plus bas niveau depuis mai 2009. La révision d'Eurostat a également fait reculer les banques grecques dans leur ensemble.

"Il semble qu'une situation déjà terrible, s'est aggravée" analyse Nick Kounis, économiste chez Fortis.

Le gouvernement grec s'est engagé en février à réduire son déficit de quatre points dès cette année, pour le ramener à 8,7% du PIB. Le ministère des Finances a fait savoir que la révision annoncée par Eurostat ne remettait pas en cause cet objectif.

Toutefois, Athènes et les dirigeants de l'UE semblent relativiser cet engagement. "L'objectif pour 2010 est de réduire de quatre points le déficit. Nous ne nous référons pas à un chiffre initial ou à un chiffre à atteindre, mais plutôt à l'effort de réduction du déficit" a déclaré le porte-parole de la Commission européenne, Amadeu Altafaj, à Bruxelles. "La Grèce devrait remplir cet objectif pour 2010, c'est le plus important".

Selon une source gouvernementale, la Grèce pourrait obtenir des prêts relais auprès de certains pays européens avant le déclenchement du mécanisme d'aide mis en place par l'UE et la FMI.

Le porte-parole du gouvernement grec avait fait savoir plus tôt que la Grèce envisage toujours de se refinancer sur les marchés, et a qualifié les rumeurs de restructuration de sa dette de "propos de comptoirs".

25% DE PROBABILITÉ DE DÉFAUT

Soumis à la pression internationale, le gouvernement grec a imposé au pays une cure d'austérité pour le sortir de l'ornière financière.

Les fonctionnaires sont une nouvelle fois descendus dans la rue jeudi, pour la quatrième fois depuis le début de l'année, afin de protester contre la politique d'austérité d'Athènes.

Une situation que le pays paie cher sur le marché où son coût d'emprunt s'est sensiblement élevé. Les intervenants redoutent implicitement que le pays soit placé à un moment ou à un autre en situation de défaut de paiement.

Une enquête Reuters effectuée auprès d'une cinquantaine d'économistes minimise le risque de défaut, au moins dans l'immédiat, car ces économistes parient que les autres pays de la zone euro ne laisseront pas la Grèce sombrer.

Mais ils évaluent tout de même à 25% environ la probabilité que ce défaut intervienne dans les cinq années à venir.

Athènes discute depuis mercredi avec des délégués du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Union européenne pour définir les modalités d'un plan d'aide susceptible d'allouer à la Grèce entre 40 et 45 milliards d'euros.

Ces discussions pourraient durer plusieurs semaines, un élément qui, là encore, n'inspire guère confiance aux marchés. Mais en tout état de cause, les choses devraient être précisées entre le 15 et le 19 mai. Le 15 mai est la date butoir pour aboutir à un accord tripartite et le 19 mai la date envisagée par Athènes pour une nouvelle émission obligataire.

SE PRÉPARER AU PIRE

La ministre de l'Economie Christine Lagarde avait confirmé mercredi que la France contribuerait à hauteur de 6,3 milliards d'euros si la Grèce déclenchait le processus de déblocage de cette aide.

Une éventualité qu'exclut l'Allemagne dans l'immédiat, et en l'espèce d'ici au 19 mai, jour où la Grèce doit notamment rembourser 8,5 milliards d'euros de dettes arrivant à échéance.

"Se préparer au pire ne signifie pas que cela va arriver mais plutôt que l'on essaie de l'éviter", a dit le ministre des Finances Wolfgang Schäuble à la radio, ajoutant que les mesures budgétaires prises par la Grèce lui semblaient ambitieuses et suffisantes.

L'inquiétude des investisseurs, qui craignent un effet "domino" à d'autres pays de la zone euros, est palpable. Les rendements des obligations et des CDS de l'Espagne, du Portugal et de l'Irlande ont grimpé jeudi.

Avec les contributions de Julien Toyer, de Raoul Sachs, de George Georgiopoulos, de Renee Maltezou, d'Ingrid Melander, de Brian Rohan et de Paul Carrel, Wilfrid Exbrayat et Catherine Monin pour le service français, édité par Gwénaëlle Barzic