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(Easybourse.com) Qu'attendez-vous de la réforme de la réglementation financière au niveau européen ?
En tant qu'utilisateurs, nous espérons que les régulations pouront être homogénéisées dans le monde et que les régulateurs nationaux collaboreront davantage entre eux. Cela pourrait d'abord se faire au niveau européen puis être étendu au reste du monde. C'est un point extrêmement important, en témoigne ce qui s'est passé avec la titrisation qui a menacé de faire écrouler le système financier mondial et qui a été permise par des régulations différentes entre les Etats. N'oublions jamais qu'une chaîne a la résistance de son maillon le plus faible.
La régulation doit s'intéresser à des sujets aussi divers que la transparence des informations données aux investisseurs, les opérations de gré à gré, le trading haute fréquence, les dark pools…

Un point important réside dans le rapprochement des régulateurs par rapport aux acteurs du marché…
Le bilan tiré de la directive Marchés d'Instruments Financiers est assez contrasté si l'on considère l'objectif visé d'accroissement de la liquidité et de diminution des coûts de transaction. Les marchés ont été fractionné au point que la liquidité est moins bonne qu'auparavant et la réduction des couts n'a pas été au rendez-vous pour les utilisateurs finaux.Nous pouvons en conséquence nous interroger sur le fait de savoir si les auteurs de la directive MIF ont suffisamment été en relation avec les spécialistes des marchés. La régulation ne peut se réduire à un dialogue entre théoriciens pour être efficace.

Vous considérez la liquidité comme un bien public...
De la même manière que cette crise financière a permis de réapprendre aux banquiers ce qu'était la liquidité, il faut réapprendre qu'une des vertus principales des marchés outre la transparence est celle d'être liquide.
Les régulateurs ne doivent pas laisser entièrement au libre jeu du marché la négociation d'un certain nombre de produits. Sur ce point les américains sont en avance puisqu'ils sont en train de développer une bourse des CDS à Chicago dont le degré de centralisation est largement régulé par les pouvoirs publics.

Il y a un découragement des fonds propres…
Il faut avoir conscience que nous venons de vivre une crise de l'endettement et que le financement des entreprises nécessitera de plus en plus de fonds propres. Or les régulations actuelles ou en projet sont en train de décourager le financement de long terme, que ce soient au travers des fonds propres ou des crédits de plus de 10 ans.
Dans le cadre de la réglementation Solvency II, on durcit mois après mois le niveau de fonds propres requis en face des investissements en actions. Deux directeurs financiers de grands groupes d'assurances, Groupama et Axa, ont récemment exprimé leur intention de diminuer de 20% à 2% la part de leurs investissements en actions.
Il faut rendre les règles plus amicales pour l'investissement de long terme…
Nous ne trouvons plus aujourd'hui d'acteurs bancaires capables de s'engager sur une très longue durée. Or, nous continuons d'avoir besoin de construire des TGV, des canaux, des centrales nucléaires et autres infrastructures fondamentales…
A ce titre, je suis satisfait de voir que le commissaire Mc Creevy a refusé d'approuver le premier volet de la renégociation de la norme IAS 39, défavorable à l'investissement de long terme, en demandant à avoir une vision globale des différents volets.
Il faut par ailleurs être attentif au fait que les référentiels Bale II et Solvency II sont trop rigoureux pour les engagements en actions et enfin pouvoir harmoniser nos réflexions sur les taux d'actualisation.

Vous attachez un intérêt particulier au financement en fonds propres des PME...
C'est un élément fondamental pour la compétitivité de l'économie française et pour l'attractivité de la place de Paris.
Nous avons en France un problème structurel de fonds propres des PME qui tient à des facteurs culturels. Par exemple, 10% des transmissions d'entreprises sont des transmissions familiales en France, contre 50% en Allemagne. Le problème est également lié à la quasi-absence de centres financiers en province, contrairement à la situation de l'Italie et à l'Allemagne qui ont pu compter sur le développement de villes princières. La banque de la Bavière a 1200 lignes de participations industrielles soit l'équivalent de ce que la Caisse des dépôts a accumulé entre 1995 et maintenant. Nous essayons donc de faire émerger sur tout le territoire des équipes de capital risque et de capital développement pour irriguer en fonds propres les PME. A ce jour, nous alimentons 170 fonds d'investissement dont 70 en région. Nous injections jusqu'à aujourd'hui 350 millions d'euros par an. Avec la création du FSI qui a repris les droits et obligations de la Caisse des dépôts en matière de capital développement, nous allons probablement monter à 500-600 millions d'euros par an. Nous représentons ce faisant environ le tiers du marché. C'est la limite. Au-delà la dépendance aux capitaux publics des fonds d'investissement serait abusive.

Qu'en est-il de vos actions dans le domaine de la finance carbone ?
Nous avons l'ambition d'être une plateforme européenne de développement de la finance carbone. Nous avons mis en place le premier registre de tenue de compte des émissions de gaz à effet de serre pour les 18 000 émetteurs potentiels en Europe. Nous avons créé BlueNext avec Nyse Euronext, première plateforme européenne au comptant-où nous avons 80% des échanges. Nous espérons étendre cette coopération avec le NYSE aux Etats-Unis. Nous espérons également jouer un rôle important dans le système de mise aux enchères de quotas de la Commission européenne.

Dans le futur, pourrait se développer à Paris un lieu d'échange important pour les investisseurs de long terme…
C'est la raison pour laquelle nous avons fondé le club des investisseurs à long terme qui regroupe une dizaine d'institutions dans le monde représentant 3000 milliards de dollars de bilan. Deux fonds d'infrastructures regroupant certains de ces adhérents ont été crées et auront leur siège à Paris.. Ces fonds devraient représenter entre 40 et 50 professionnels dans un ou deux ans. Le fonds Inframed a été lancé avec la Caisse des dépôts italienne pour financer les infrastructures dans tous les pays de la rive sud de la Méditerranée. Le premier closing de ce fonds atteindra 500 millions d'euros. Et nous espérons attirer les fonds souverains du Golfe pour dépasser le milliard.

Le deuxième fonds se nomme Marguerite. Il associe la KFW, la Caisse italienne, la Banque européenne d'investissement, la Banque polonaise PKO Bank Polski, l‘Instituto de Crédito Oficial espagnole et la Commission européenne. Le premier closing de ce fonds sera d'environ 1,5 milliard d'euros. Il investira dans les infrastructures de transport d'énergie, d'équipement portuaires, aéroportuaires, routiers…

L'installation de ces fonds à Paris, alors qu'il était mis en avant que le marché du financement des infrastructures était définitivement basé à Londres, contribue à un certain rééquilibrage et à la création d'emplois de longue durée.

Propos retranscrits par Imen Hazgui

Ce texte constitue le verbatim de l'intervention d'Augustin de Romanet à l'occasion de la sixième édition des entretiens de l'Autorité des marchés qui s'est tenue le 16 décembre dernier.
Il a été validé par l'interlocuteur.

- 04 Janvier 2010 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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