Londres (awp/afp) - La Banque d'Angleterre (BoE) a relevé de 25 points, à 0,5%, son taux directeur pour tenter de contrer une inflation au plus haut en trente ans au Royaume-Uni, là où la Banque centrale européenne maintient le statu quo.

Fin 2021, la hausse des prix tutoyait déjà les sommets à 5,4%, mais selon la BoE elle devrait encore grimper pour culminer à 7,25% en avril, largement à cause de la flambée de l'énergie, puis se maintenir à 5% au fil de l'année.

Mais une hausse des taux va également peser sur les emprunts et pourrait ralentir l'économie, un risque que n'a pas écarté le gouverneur de la Banque Andrew Bailey lors d'une conférence de presse.

"Nous faisons face à une vraie compression des revenus réels, nous pensons que cela ralentira la demande. Si nous ne remontons pas les taux, les effets seront pire", a-t-il expliqué.

Il s'est à nouveau inquiété des tensions entre la Russie et l'Occident, qui pourraient encore gonfler les prix du gaz.

Chômage

Le régulateur britannique de l'énergie a annoncé jeudi un relèvement de 54% du plafond des factures d'électricité et gaz pour les consommateurs en avril, d'environ 700 livres par an et par ménage ce qui accroît encore la pression sur les plus modestes.

Au point d'inquiéter le monde politique: le ministre des Finances britannique Rishi Sunak vient ainsi d'annoncer 9 milliards d'aides face au coût de la vie.

Mais la BoE prévient que l'inflation est aussi galvanisée par un marché du travail déséquilibré.

"Les entreprises ont dû proposer des salaires plus élevés pour attirer et conserver leurs employés", explique la Banque dans son rapport de politique monétaire.

La pandémie, mais aussi d'autres facteurs dont le Brexit, ont éloigné de nombreuses personnes du marché de l'emploi britannique, notamment des travailleurs européens.

Conséquence de la hausse des coûts pour les employeurs, le taux de chômage devrait "augmenter après le premier trimestre" et les revenus réels des ménages devraient baisser de 2% en 2022.

Selon la BoE, si l'économie devrait renouer avec son niveau prépandémie au premier trimestre, après un léger creux provoqué par le variant Omicron fin 2021, la croissance ne devrait atteindre que 3,75% en 2022, contre 5% anticipés en novembre.

Plus vite que la Fed

C'est ce tableau sombre pour l'économie britannique qui a poussé les neuf membres du Comité monétaire à voter à l'unanimité pour une hausse des taux, quatre membres proposant même une hausse de 50 points de base au lieu des 25 adoptés.

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi qu'elle maintenait jeudi ses taux directeurs à zéro, même si la présidente Christine Lagarde ne repousse plus formellement une hausse cette année.

Après avoir été la première banque centrale d'un pays du G7 à lever ses taux depuis le début de la pandémie en décembre, la BoE prend également de vitesse BCE et la Fed en entamant la réduction de son programme de rachats d'actifs (QE).

La première réduction va arriver rapidement, des obligations d'État représentant 20 milliards de livres arrivant à terme en mars.

De futures hausses modérées des taux, "si l'économie évolue en ligne avec les projections du rapport" seront "probablement appropriées dans les prochains mois", précisent les minutes de la réunion.

La livre a atteint un plus haut face à l'euro depuis le 18 février 2020 à 82,85 pence à la suite du relèvement des taux de la BoE, avant de se replier.

Sur le marché obligataire, le rendement de l'emprunt britannique à dix ans a décollé jusqu'à atteindre 1,39%, un niveau plus vu depuis novembre 2018.

"Dans l'ensemble, il semble que la Banque monte en puissance dans sa lutte pour défendre son objectif d'inflation", estime la maison de recherche Capital Economics.

"Cette bataille devrait durer jusqu'à la fin 2022 avec des taux d'intérêt qui vont" probablement augmenter à 1,25%, voire plus, projette Capital Economics.

Mais certains analystes estiment que le marché, qui table désormais sur des hausses consécutives lors des deux prochaines réunions, s'emballe.

"Les perspectives pessimistes de l'économie selon le comité devraient l'empêcher de remonter les taux trop haut et trop vite", estime Martin Beck, économiste du cabinet EY ITEM Club.

"L'allègement du bilan va faire le gros du travail pour limiter le soutien monétaire, une raison de plus de penser que la hausse des taux sera mesurée", ajoute-t-il.

afp/rp