* Le président américain se fixe des réformes ambitieuses

* Le gouvernement doit protéger les plus faibles

* Les républicains critiquent un discours "libéral"

par Steve Holland

WASHINGTON, 22 janvier (Reuters) - Ronald Reagan déclarait en 1981 que le gouvernement n'est pas la solution, mais le problème. Quinze ans plus tard, Bill Clinton proclamait la fin de l'époque du grand gouvernement.

Lundi, avec l'assurance et la détermination d'un président désormais libéré de la quête d'une réélection, Barack Obama a envoyé un message sensiblement différent.

Dans son discours d'investiture, le 44e président américain a défendu avec ardeur le rôle du gouvernement comme protecteur des plus vulnérables, signalant sa volonté de préserver les coûteux programmes sociaux visés par les républicains pour réduire la gigantesque dette publique du pays (16.400 milliards de dollars).

Il a au passage épinglé les conservateurs inaptes au compromis qui encouragent les blocages du Congrès, divisé entre un Sénat majoritairement démocrate et une Chambre des représentants dominée par les républicains.

"Nous ne pouvons nous méprendre en instituant l'absolutisme comme principe, en substituant le spectacle à la politique, ou en faisant de l'échange d'injures un débat raisonnable", a-t-il dit dans cette allocution de 18 minutes prononcée devant des centaines de milliers de personnes.

Pour le président démocrate, il faut "rejeter l'idée selon laquelle l'Amérique doit choisir entre prendre soin de la génération qui a construit ce pays et investir dans la génération qui construira son avenir".

"Les engagements que nous prenons les uns envers les autres, à travers Medicare, Medicaid ou la Sécurité sociale, ne freinent pas notre initiative", a poursuivi Barack Obama. "Ils ne font de pas de nous un pays de profiteurs. Ils nous libèrent pour prendre les risques qui font de ce pays un grand pays."

UN PROGRAMME MILITANT

De tels propos ont été tièdement accueillis par certains républicains qui les interprètent comme un refus de couper franchement dans les dépenses de ces programmes fédéraux qui viennent en aide aux personnes âgées ou aux catégories modestes.

"C'était un discours soutenant de manière vigoureuse une augmentation de la taille et des prérogatives du gouvernement, à un moment où la nation appelle, avec le soutien des deux partis, à la baisse des dépenses de Washington", a déploré Don Stewart, porte-parole du chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell.

Le président démocrate, outre la défense des classes moyennes, s'est aussi fixé d'autres priorités de second mandat qui risquent de heurter les conservateurs, comme la lutte contre le réchauffement climatique ou les droits des homosexuels.

Seule sa réforme promise de l'immigration pourrait obtenir l'appui des deux partis au Congrès. Les républicains y sont favorables, conscients que l'électorat hispanique, l'un des principaux concernés par la réforme, a très largement voté en faveur du président démocrate le 6 novembre dernier.

Le dossier climatique est bien plus délicat et celui du mariage homosexuel divise toujours l'opinion, même si elle y est désormais majoritairement favorable.

"Il a présenté un programme très militant", relève Thomas Alan Schwartz, spécialiste des présidents américains, chercheur à l'université Vanderbilt. "Mon sentiment est qu'il se sent vraiment porté par un vent favorable pour pousser dès maintenant en faveur d'un certain nombre de questions."

EXCÈS D'AMBITION ?

Un assistant parlementaire républicain a critiqué un "agenda libéral" sans aucun geste "à l'adresse des conservateurs ou de la moitié du pays qui ne l'aurait pas souhaité comme président". "Il parlait aux gens qui ont voté pour lui. C'est bien, mais ce n'était pas un appel à l'unité."

Le sénateur républicain de l'Ohio Bob Portman a estimé que le président avait "manqué l'occasion d'évoquer les possibilités de terrain d'entente".

Toujours confrontée à un Congrès divisé, la Maison blanche laisse entendre qu'Obama travaillera avec le Capitole quand il le pourra mais aura aussi recours à des décrets présidentiels si cela s'y prête.

Lors d'un second mandat, les présidents américains peuvent pécher par excès d'ambition. George W. Bush avait ainsi milité pour une vaste réforme de la Social Security, mais le projet a été rapidement abandonné face à l'hostilité de l'opinion.

Barack Obama a reconnu lui-même le risque d'un programme trop ambitieux mais après avoir fait preuve d'une plus grande habileté que les républicains dans la gestion du mur budgétaire, et fort d'une popularité bien supérieure, le président démocrate paraît déterminé à profiter de l'occasion.

"Il est à l'évidence en bonne position pour le moment", estime Peverill Squire, professeur de sciences politiques à l'université du Missouri. "Les républicains hésitent à se montrer aussi agressifs que par le passé. Je ne m'étonnerais pas de le voir obtenir encore quelques accords."

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)