(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Le S&P 500 au plus haut, 3.455e jour sans krach à Wall Street

* L'été marqué par la divergence USA-Europe et la crise turque

* Commerce, Chine et Italie, principaux risques des mois à venir

par Marc Angrand

PARIS, 27 août (Reuters) - Ni meurtrier ni en pente douce, l'été 2018, sur les marchés, a été marqué à la fois par les records inscrits à Wall Street et par de multiples foyers de tensions, de la montée des barrières douanières aux finances publiques italiennes en passant par la chute de la livre turque. Autant de dossiers chauds pour la rentrée des investisseurs.

L'indice Standard & Poor's 500 a inscrit un nouveau record mardi à 2.873,23 points, dépassant enfin son pic de fin janvier. Le lendemain, la Bourse de New York enregistrait son 3.453e jour de "bull market" (marché haussier, défini comme une phase sans chute de 20% par rapport au pic) une durée sans précédent.

La santé éclatante de Wall Street doit évidemment beaucoup à la vigueur de la croissance économique aux Etats-Unis (4,1% en rythme annualisé au deuxième trimestre) et à l'envolée des résultats des sociétés cotées (+24,7% sur un an pour les bénéfices au dernier pointage, +9,4% pour les chiffres d'affaires).

Plus étonnant, elle ne semble pas affectée par la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine, ni par les inquiétudes pour la solidité de la présidence Trump, nourries ces derniers jours par les déboires judiciaires de deux ex-proches du milliardaire.

Les marchés américains ont ainsi profité de la période juillet-août pour creuser l'écart avec l'Europe: le S&P affiche aujourd'hui une hausse de près de 7% depuis le début de l'année alors que le Stoxx 600 européen cède 1,5%.

Wall Street reste donc la destination favorite de nombreux investisseurs. Mais l'Europe n'est pas pour autant délaissée, comme le souligne Barclays dans une note récente en mettant en avant "la stabilisation de la croissance, la résilience des bénéfices, l'amélioration des éléments techniques des marchés et des changes favorables".

Aux Etats-Unis, les marchés surveilleront dans les prochains jours la deuxième estimation du produit intérieur brut (PIB) américain, mercredi, les statistiques mensuelles des revenus et dépenses des ménages, le lendemain, et les indices d'activité de Chicago et du Michigan vendredi.

En Europe, la semaine sera marquée par l'indice Ifo d'août (lundi) et par les premiers chiffres de l'inflation en Allemagne (jeudi) et dans l'ensemble de la zone euro (vendredi).

DOUTES SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE CHINOISE

Point positif pour les investisseurs: l'horizon de court terme en matière de politique monétaire semble dégagé.

Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a déclaré vendredi lors du symposium de Jackson Hole que la hausse continue des taux d'intérêt était le meilleur moyen de préserver la dynamique de l'économie américaine, confortant ainsi le scénario de deux relèvements supplémentaires d'ici à fin décembre.

Du côté de la zone euro, le compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la Banque centrale européenne ne remet pas en cause le scénario de sortie très progressive de sa politique ultra-accommodante, même s'il souligne les risques liées à la montée des barrières douanières,

Pour la Chine, la donne s'annonce plus délicate, à cause des tensions commerciales et de la baisse du yuan. L'absence d'avancées dans les négociations entre Pékin et Washington laisse planer la menace d'une extension des droits de douane américains à 200 milliards de dollars de produits chinois importés aux Etats-Unis, avec une probable riposte chinoise de grande ampleur.

Et ces tensions tombent mal pour la deuxième économie mondiale, engagée dans une phase de rééquilibrage de sa croissance et de réduction des niveaux d'endettement.

"La question de savoir si les pressions sur la Chine se répercuteront ou non sur les marchés mondiaux, comme ce fut le cas en 2015-2016, constituera l'un des problèmes les plus critiques pour les investisseurs mondiaux au cours des prochains mois", prévient Mark Haefele, directeur des investissement d'UBS Global Wealth Management.

LES NOTES SOUVERAINES ITALIENNES MENACÉES

Le risque turc est lui aussi appelé à persister: si les célébrations de l'Aïd el Kébir ont assuré ces derniers jours un répit bienvenu aux marchés locaux, aucun des problèmes structurels à l'origine de la chute de la livre (-24% depuis le début du mois face au dollar) n'est réglé.

Consolation pour les investisseurs: même si d'autres monnaies de pays émergents accusant d'importants déficits courants ont souffert, comme le rouble russe ou la roupie indienne, le risque de contagion à grande échelle de la crise turque est jugé limité.

"Le cas de la Turquie n'est pas systémique, le poids de l'économie du pays n'est que de 1% dans le monde", résume Jean -Marie Mercadal, directeur général délégué en charge des gestions chez OFI Asset Management.

L'indice MSCI des marchés émergents a limité son repli à 3,7% depuis le début du mois mais au plus bas, sa baisse depuis le pic de janvier a dépassé 20%, ce qui représente quand même une perte de capitalisation de près de 1.000 milliards de dollars.

Du côté des marchés développés, le risque le plus clairement identifié se trouve en Italie, soulignent plusieurs économistes et stratèges, qui voient dans les incertitudes liées à la politique du gouvernement Conte l'un des principaux facteurs potentiels d'instabilité financière à court terme.

Rome devra en effet présenter d'ici un mois ses nouvelles prévisions macroéconomiques, sur lesquelles il rédigera un projet de budget 2019. Et l'un des membres du gouvernement a déjà évoqué la possibilité que le déficit public dépasse 3% du PIB l'an prochain, ce qui augure mal des discussions avec la Commission européenne.

Fitch Ratings doit rendre sa décision sur la note souveraine italienne vendredi prochain, tandis que Moody's a choisi de reporter la sienne au mois d'octobre.

Or, rappelle Société générale, "Moody's est l'agence de notation la plus négative sur les obligations d'Etat de la zone euro dans leur ensemble".

"Il est très probable qu'elle dégrade l'Italie en octobre; reste à savoir de combien et avec quelle perspective." Une interrogation qui risque d'entretenir la fébrilité sur le marché obligataire et les valeurs bancaires de la péninsule.

Reflet de cette inquiétude, le rendement à dix ans italien , qui était retombé sous 2,5% mi-juillet après un pic à près de 3,4% en mai, a repassé le seuil de 3% ces derniers jours. Parallèlement, l'indice boursier des banques italiennes est revenu à son niveau de mars 2017.

(Edité par Patrick Vignal)