(Répétition d'une dépêche diffusée vendredi avec actualisation de l'évolution hebdomadaire des indices)

* Les actions mondiales ont décroché

* La hausse du salaire horaire aux US a mis le feu aux poudres

* Craintes d'une accélération de l'inflation et du resserrement monétaire

* Des éléments techniques en facteur aggravant sur les actions

* La volatilité explose, le Vix a touché un pic de deux et demi

par Laetitia Volga

PARIS, 12 février (Reuters) - L'euphorie du début d'année a fait place à une soudaine correction sur les Bourses mondiales et à un brutal réveil de la volatilité, qui ont pris par surprise les investisseurs même si beaucoup n'y voient pas encore l'avènement d'un marché baissier durable.

Lundi 5 février, le Dow Jones a lâché 1,175.21 points en une seule séance, la plus forte perte en points de son histoire. Et l'indice phare de Wall Street a encore lâché plus de 1.000 points sur la journée de jeudi.

Le Dow Jones, comme l'indice plus large S&P 500 , est officiellement entré en phase de "correction", avec au plus fort de la baisse un repli de plus de 10% par rapport à son dernier plus haut.

Sur la semaine, le Dow et le S&P ont tous deux reculé de 5,2%, leur plus forte baisse hebdomadaire depuis janvier 2016, et le Nasdaq a perdu 5,1%, plus net recul depuis février 2016.

L'indice paneuropéen Stoxx 600 a accusé un repli hebdomadaire de 5,21% et le CAC 40 une baisse de 5,33%, leur pire performance hebdomadaire depuis plus de deux ans.

En Asie, le Nikkei japonais a décroché de 8,1%, accusant sa plus mauvaise semaine depuis août 2007.

Après avoir bondi de plus de 20% en 2017, l'indice MSCI World, qui regroupe 47 marchés actions développés et émergents, a perdu près de 6% sur la semaine, son recul hebdomadaire le plus marqué depuis novembre 2008.

Ce décrochage des Bourses mondiales s'est accompagné d'un pic soudain de volatilité, alors que celle-ci évoluait encore en début d'année à un plus bas historique.

L'indice mesurant la volatilité du S&P-500, le Vix, a brièvement franchi pour la première fois depuis 2015 la barre des 50 points. L'an dernier, il n'avait pas franchi une seule fois le cap des 18 points.

Tout est parti de l'annonce, en début de mois, d'une croissance sans précédent en neuf ans du salaire horaire moyen aux Etats-Unis au mois de janvier.

La statistique a alimenté la perspective d'une accélération de l'inflation dans un contexte de plein emploi. Et qui dit poussée inflationniste, dit accélération du resserrement monétaire des grandes banques centrales, notamment de la part de la Réserve fédérale américaine (Fed).

Les investisseurs s'interrogent sur l'éventualité de quatre hausses de taux de la Fed cette année, contre trois hausses projetées jusqu'ici par la banque centrale.

CRAINTE SUR L'INFLATION, LES RENDEMENTS GRIMPENT

Sur le marché des emprunts d'Etat, les réactions se sont faites très (trop) rapidement sentir. Les rendements obligataires, qui ne cessent de monter depuis mi-2016, ont fortement accéléré après le chiffre américain du salaire horaire, déclenchant du même coup la correction sur les marchés d'actions.

Le rendement des Treasuries à 10 ans a atteint un pic de quatre ans, à 2,885%, s'approchant d'un seuil jugé critique à 3%.

Après une brève accalmie, contribuant à un léger rebond des actions européennes en milieu de semaine, les rendements sont repartis à la hausse jeudi après les commentaires de la Banque d'Angleterre (BoE).

La BoE a prévenu qu'il lui faudrait probablement relever les taux d'intérêt plus tôt et plus fortement qu'elle ne le pensait il y a trois mois en raison de l'amélioration des perspectives économiques de la Grande-Bretagne dans un contexte international porteur.

"Si on voulait être narquois, on dirait que la banque centrale est probablement la seule institution capable de voir loin dans un environnement économique et financier fortement conditionné par la forme que prendra le Brexit", commente Hervé Goulletquer, de la Banque Postale Asset Management.

Le rendement de l'emprunt d'Etat allemand à 10 ans a touché dans la foulée 0,8%, pour la première fois depuis septembre 2015.

L'EFFET TECHNIQUE DE LA CORRECTION

De nombreux investisseurs s'accordent à dire que la correction des marchés actions a été amplifiée par des éléments techniques.

"La vraie raison derrière la chute brutale du marché américain qui s'est produite lundi soir était liée à une correction technique, et non à des craintes liées à l'inflation, comme en témoigne la baisse des rendements obligataires durant le mouvement de vente sur le marché actions", estime Nadège Dufossé, responsable de l'allocation d'actifs chez Candriam.

Se conjuguent l'effet de masse lié à l'investissement en ETF, l'automatisation des ordres de vente dès le franchissement de seuils techniques sur les indices, l'ajustement des stratégies quantitatives basées sur une faible volatilité et le débouclage d'importantes positions à découvert sur l'indice Vix.

Le fait que le bond de la volatilité soit resté contenu aux actions, qu'il n'y ait pas eu d'afflux massifs sur les actifs refuges comme l'or et que les anticipations d'inflation n'aient que faiblement progressé, poussent également certains observateurs à relativiser la correction boursière en cours.

"Sur toute l'histoire des marchés financiers, cela n'a rien d'exceptionnel et cela est même tout à fait normal", rappelle James Bateman, directeur des investissements chez Fidelity.

"Cependant, dans un monde où le concept même de correction semble avoir été oublié et alors que la hausse des marchés actions se voulait irrépressible, la normalité peut se révéler surprenante, voire douloureuse."

Pour rappel, le S&P a enregistré seulement quatre séances de baisse supérieure à 1% en 2017 et enchaîné les records, dopé par des résultats d'entreprises, une reprise économique mondiale synchronisée, des anticipations sur les réductions d'impôts sur les sociétés, un dollar faible et des taux d'intérêts bas grâce aux perfusions des banques centrales.

"Il n'est sans doute pas plus mal que la correction arrive maintenant, on risquait vraiment un krach important si le marché avait continué à être en lévitation", observe Jean Jacques Friedman, directeur de la gestion sous mandat et des investissements chez Vega IM.

UNE CORRECTION DURABLE ?

La question en suspens est de savoir combien de temps durera cette phase de correction et si elle marque le début de la fin de la hausse des marchés d'actions.

"Les deux indicateurs que nous percevons comme les plus prédictifs d'un marché baissier sur les actions - le risque de récession économique et/ou une poussée inflationniste significative - ne sont pas actuellement au rouge clignotant", indiquent les stratèges de Goldman Sachs.

Les statistiques économiques, notamment celles sur l'inflation, susceptibles d'influencer la trajectoire des politiques monétaires des banques centrales devraient continuer d'avoir un impact important sur les marchés.

Les investisseurs surveilleront donc avec une grande attention la publication mercredi de l'indice des prix à la consommation hors éléments volatils aux Etats-Unis pour le mois de janvier.

Les économistes interrogés par Reuters tablent en moyenne sur un ralentissement de la croissance de cet indice "core CPI", à 1,7% sur un an, contre une progression de 1,8% en décembre.

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(édité par Blandine Hénault)