"Quel regard portez-vous sur l’environnement dans lequel évoluent les marchés ?
Nous pouvons distinguer deux niveaux d’analyse. Une analyse au niveau européen, qui recouvre une dimension éminemment politique avec la crise de la dette. Une deuxième analyse au niveau mondial qui tient à la forte dégradation de la conjoncture économique. Au-delà de l’Europe, un ralentissement prononcé est observé dans les grands pays émergents, Chine, Inde, Brésil, Russie. Là où la situation semble le moins pour l’instant c’est aux Etats-Unis.

Que faut-il selon vous pour retrouver une certaine accalmie sur les marchés ?
Les investisseurs attendent des signaux de cohésion de la part des dirigeants européens et de ce fait des signaux de viabilité de l’union monétaire. A court terme, nous avons le sommet de l’Union européenne des 27 et 28 juin, et le 5 juillet la conférence de la Banque centrale européenne. Des décisions importantes, fortes, engageantes sont attendues à l’issue de ces deux grands rendez-vous allant dans le sens de la résolution des problèmes que l’on identifie actuellement.
Ces problèmes sont la recapitalisation du système bancaire espagnol, la renégociation de la période d’étalement des réformes devant être adoptées par la Grèce.
Une feuille de route précise décrivant les différentes étapes pour aller vers plus de fédéralisme est également escomptée.
Le scénario d’éclatement de la zone euro a énormément gagné en probabilité ces derniers temps, en particulier pour les opérateurs qui se situent en dehors de la zone. Cette probabilité est estimée par certains à 35%. Il faut absolument réduire cette probabilité si l’on veut que la décote politique sur les actifs risqués et les dettes souveraines diminue.

L’aide de 100 milliards consentie à l’Espagne vous parait-elle suffisante ?

Nous ne sommes pas des spécialistes des banques espagnoles. Nous n’avons aucune banque espagnole dans notre portefeuille. Cependant, le montant de 100 milliards nous parait être, de prime abord, suffisant. Ces 100 milliards sont destinés à aider à la recapitalisation des banques. Autrement dit, on parle de fonds propres, pas de provisions pour créances douteuses.
Au-delà du montant, nous n’avons pas de précisions sur les modalités de l’aide qui sera apportée. Nous ne savons pas quel Fonds (FESF, MES… ?)fournira ces ressources, et à quel taux. Nous ne savons pas non plus de quelle manière cette aide sera comptabilisée dans les comptes publics espagnols. Ce sont surtout ces incertitudes qui pèsent sur la structuration de cette aide qui expliquent la frilosité des investisseurs sur le segment de la dette espagnole. Ces derniers qui ont été échaudés ces deux dernières années veulent des mesures concrètes et précises.

En dépit des bonnes nouvelles que nous pourrions avoir du coté des politiques, la hausse des marchés sera limitée...
Nous nous attendons à de mauvaises surprises dans le cadre des publications semestrielles avec des révisions en baisse des bénéfices attendus. Ces mauvaises surprises devraient avoir pour effet de capper les marchés.
Nous avons déjà eu quelques avertissements sur résultats pour le deuxième trimestre avec Danone ou Procter & Gamble.

Que prévoyez vous du coté de la croissance ?
En premier lieu, si les éléments que j’ai précité sont mis en place, s’il y a une meilleure visibilité d’une sortie de crise dans la zone euro, nous aurons un retour de la confiance qui permettra un certain redémarrage de la dynamique économique. Les entreprises ont fortement mis en attente leur programme d’investissement et de recrutement.

A l’international nous pourrions enfin avoir un QE3 de la Fed aux Etats-Unis si l’économie se dégradait pendant l’été, un plan d’aide en Chine. Cela pourrait conduire à un rebond plus franc des marchés à partir du troisième trimestre.

De quelle manière avez-vous accueilli l’idée de permettre au MES de racheter des titres de dette espagnols et italiens sur le marché secondaire pour faire baisse les taux ?
C’est une excellente idée. Si on ne le fait pas, je ne vois pas vraiment ce que l’on pourrait faire d’autre à court terme. Si l’Allemagne venait à se montrer réticente à cela, nous assisterons très probablement à une aggravation de la crise. Au demeurant, à moyen terme la valeur ajoutée résultant de cette action ne serait que limitée si les problèmes de fond ne sont pas traités.

Pensez-vous que le MES aura la capacité d’action requise ?

Le MES est censé fonctionner avec un statut similaire à celui du Fonds monétaire international. A partir du capital mis par les Etats, le Fonds aura la possibilité de se leverager de 5 fois, et ainsi d’avoir une capacité d’action de 480 milliards d’euros.

Un des paramètres financiers qui traduiraient le regain de confiance des investisseurs réside dans le recul des taux obligataires espagnols et italiens…
Au-delà du niveau des taux, je pense qu’il faudra surtout regarder de près la tendance. Le taux à dix ans espagnol était à 7,20% la semaine dernière, il a baissé à 6,48% jeudi, ce grâce à la reprise des discussions entre les européens.
Je ne vois pas la divergence entre d’un coté les taux allemands et français et de l’autre coté les taux espagnols et italiens s’estomper rapidement. L’Espagne doit faire face à de réelles difficultés structurelles, de déficit et de croissance en berne.
Si le taux espagnol allait à 5,5%, et le taux italien en dessous de 5%, cela marquerait cependant un soulagement.

Qu’en est-il à présent de votre allocation d’actifs ?

L’objectif du fonds que nous gérons est de faire mieux que le marché monétaire sur deux ans et de faire mieux que les contrats d’assurance vie en euros. Les taux des assureurs sont de plus en plus bas. Le taux moyen se situera en dessous de 3% très vite.
La performance de notre portefeuille depuis le début de l’année est un peu au dessus de 5%. Le taux instantané (taux moyen à l’instant t) du portefeuille est supérieur à 5% avec une sensibilité de 1,20.
Pour ce faire, notre boite à outils recouvre le monde obligataire au sens large, allant du monétaire, jusqu’aux produits hybrides (obligations convertibles, produits structurés) en passant par les obligations d’entreprises.
Nous avons un très important focus sur les obligations des entreprises. Elles représentent 85% de notre fonds. Par ailleurs nous avons plus de 10% de monétaires.

Sur quels types d’obligations d’entreprises êtes-vous principalement positionnés ?
Le taux moyen des obligations notées BBB à cinq ans étant de 3,14%- nous avons décidé de mettre l’accent sur des obligations high yield, et les obligations notées que nous connaissons bien, en d’autres termes des obligations qui offrent des rendements plus élevés. Ces obligations représentent respectivement 38% et 30% du portefeuille.
La part des obligations investment grade s’élève à 18%.

Parmi les obligations non notées, vous avez Steria…
Il s’agit d’une obligation non notée perpétuelle avec un call au premier janvier 2013. Le call est très incitatif en ce que si la société ne rembours pas, elle devra payer un coupon égale à l’euribor 3 mois + 800 points de base.

Vous allez essentiellement sur des maturités courtes…

Oui. La stratégie de portage représente 70% du portefeuille et reste sur une maturité relativement courte.
Dans ce cas, l’analyse est différente de l’analyse crédit classique. Nous sommes moins attachés à l’amélioration des ratios d’endettement. Ce qui nous intéresse c’est la capacité de remboursement du papier à l’échéance et donc la capacité de refinancement.
Une de nos importantes positions est Portugal Telecom d’échéance avril 2013. Nous l’avions acheté en octobre 2011 à un taux de 8%. Le taux est à 4,5% à présent. La société a suffisamment de liquidité dans son bilan et de lignes de crédit pour couvrir cette échéance.

Vous arrive t-il d’avoir des échéances plus longues ?
Oui, si l’occasion se présente. Nous nous sommes portés acquéreurs d’un titre émis par Rexel à échéance 2016. Dans ce cas, l’analyse se veut plus classique, avec une anticipation d’une amélioration des ratios bilanciels.

Quelle est la répartition géographique de votre fonds ? Et quelles sont vos principales positions ?

Sur le plan géographique, la France représente 61% du portefeuille, l'Italie 14%, le Portugal près de 8% et l'Allemagne 3% à travers les obligations d’entreprises.
Parmi les principales positions nous trouvons les sociétés Steria, Aurea 2012, Rallye 2015, Portugal Telecom 2013, Wendel 2014…

Avez-vous des valeurs bancaires ?
Pendant longtemps, nous sommes restés à l’écart. Nous avons commencé à en avoir à partir de décembre 2011, après la première opération de refinancement de long terme de la BCE. Nous avons à ce jour environ 16,5% de notre portefeuille investi dans des valeurs financières. Nous sommes très sélectifs. Nous avons des groupes BPCE, et BCM… Nous avons aussi la banque italienne Intesa, qui est une banque la plus retail en Italie avec très peu d’activité de marché, pas de problème de fonds propres.

Vous avez à ce jour 13% de cash. Se pourrait il que cette part augmente dans les prochaines semaines ?
Environ un tiers du portefeuille arrive à échéance chaque année par construction. En juillet-aout, plusieurs titres devraient disparaitre du portefeuille laissant place à du cash qui devrait alors équivaloir à 30% du portefeuille.
Nous n’hésiterons à élargir cette poche de cash si nous pressentons une forte aggravation de la crise.

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