Milan (awp/afp) - Le fabricant italien de pneus Pirelli, passé en 2015 sous contrôle chinois, fait mercredi son retour à la Bourse de Milan deux ans après l'avoir quittée et avec deux ans d'avance sur le calendrier initial.

Cette opération est la plus importante en Europe cette année: 35% à 40% du capital a été placé sur le marché à un prix de 6,5 euros par action, valorisant Pirelli à hauteur de 6,5 milliards d'euros, et le groupe a annoncé avoir reçu deux fois plus de demandes que le nombre d'actions proposées.

Pirelli avait été retiré de la Bourse de Milan à l'automne 2015 après sa prise de contrôle par China National Chemical Corporation (ChemChina), via la société Marco Polo Industrial Holding.

Le retour en bourse était prévu par l'accord passé avec le géant chinois, avec un délai fixé à 2019, une fois que les activités pneus consommateurs et pneus industriels auraient été scindées.

C'est donc une société Pirelli avec un nouveau périmètre, remodelée et centrée sur les pneus consommateurs, qui va faire son retour à Milan.

La branche pneus industriels intègre pour sa part celle d'Aeolus Tyre, entreprise cotée à la Bourse de Shanghaï.

"Pirelli revient en bourse avec une valeur bien supérieure à quand elle en est sortie. Cette augmentation de valeur montre qu'un excellent travail a été mené avec le repositionnement effectué", explique à l'AFP le doyen de l'école de commerce de Polytechnique (MIP Politecnico) à Milan, Andrea Sianesi.

CROISSANCE D'AU MOINS 9%

Le groupe "focalise désormais son attention sur un portefeuille de produits plus réduit, les pneumatiques de voitures de moyenne et haute gamme, un peu premium", ajoute-t-il, en jugeant l'accélération du calendrier "très positive", Pirelli profitant d'un moment favorable à la bourse.

Le vice-président exécutif et directeur général du groupe, Marco Tronchetti Provera, a expliqué que l'intégration d'Aeolus Tyre avait été "plus rapide que prévu" et que la croissance de la branche pneus consommateurs avait été "extraordinaire" et "au-delà des attentes".

Le groupe a aussi "renforcé son porte-feuille, ses usines" et a réduit son endettement au-delà de ce qui était prévu, a-t-il détaillé, en assurant que Pirelli, "start-up de 145 ans", était "une entreprise forte" avec "une visibilité très importante sur sa croissance".

Le groupe, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 4,97 milliards d'euros en 2016, prévoit une croissance annuelle moyenne de ses ventes égale ou supérieure à 9% d'ici à 2020.

Un chiffre "très important dans un secteur comme celui-ci", souligne M. Sianesi, en expliquant que le groupe peut s'appuyer sur "la qualité de ses produits et une structure de production très flexible et vraiment excellente".

"Le fait d'avoir un partenaire en Chine, où la demande de voitures continue à croître, est aussi une force", juge-t-il.

S'il pouvait y avoir des peurs avec la prise de contrôle chinoise en 2015, "Pirelli a en fait gardé son autonomie, dans la définition des stratégies industrielles, tout en étant aidé par le fait d'avoir un partenaire industriel qui est un colosse", note-t-il.

'MANAGERS BRILLANTS'

M. Tronchetti Provera a lui-même souligné que les Chinois avaient montré "un grand respect pour la gouvernance, les règles du marché et l'+italianité+ du groupe".

Les quartiers généraux du groupe resteront en Italie, de même que le contrôle sur son savoir-faire technologique. Sur ces deux sujets, tout changement nécessitera un vote d'au moins 90% du capital social lors d'une assemblée générale des actionnaires.

Avant l'entrée en bourse, ChemChina détenait 65% de Marco Polo, qui contrôlait 100% de Pirelli. Les Italiens de Camfin (une société indirectement contrôlée par M. Tronchetti et qui compte les banques UniCredit et Intesa Sanpaolo comme actionnaires) avaient 22,4% et les Russes de LTI 12,6%.

A l'issue de l'opération, LTI doit détenir entre 5 et 6% du capital, Camfin entre 10 et 12% et ChemChina entre 45 et 49%.

Alors que M. Tronchetti Provera, 70 ans, compte lâcher les rênes de l'entreprise en 2020, il a laissé entendre que son successeur serait issu de son équipe, en jugeant que "l'avenir du groupe était entre d'excellentes mains".

M. Sianesi est lui aussi confiant: "M. Tronchetti Provera s'est toujours entouré de managers très brillants. Pirelli n'est pas une entreprise liée à un homme".

afp/jh