* Brahimi juge le plan d'Assad "sectaire" et "partial"

* L'émissaire rencontre vendredi des diplomates russes et US

* 48 otages iraniens échangés contre des civils

par Erika Solomon et Peter Graff

BEYROUTH, 9 janvier (Reuters) - L'émissaire international pour la Syrie Lakhdar Brahimi a émis pour la première fois des réserves mercredi sur le maintien au pouvoir de Bachar al Assad, soulignant que pour les Syriens, le règne d'une famille pendant 40 ans était "un peu trop long".

Le président syrien Bachar al Assad a dévoilé dimanche un "plan de paix" visant à mettre fin à la guerre civile en Syrie et appelant à une conférence de réconciliation avec "ceux qui n'ont pas trahi la Syrie", laquelle serait suivie de la formation d'un nouveau gouvernement et d'une amnistie. (voir )

Face à ces propositions, l'émissaire algérien a adopté une position plus ferme qu'à l'habitude. "Je crains que ce qui en est sorti n'est par maints aspects qu'une répétition d'initiatives précédentes qui n'ont de toute évidence pas fonctionné", a dit le diplomate mercredi à la BBC.

"Ce n'est pas vraiment différent et c'est peut-être même encore plus sectaire et partial. Le temps des réformes accordées de façon magnanime par le haut est passé. Les gens veulent avoir leur mot à dire sur la manière dont ils sont gouvernés et ils veulent prendre en main leur propre avenir."

"En Syrie en particulier, je pense que les gens disent qu'une famille au pouvoir pendant 40 ans, c'est un peu trop long. Le changement doit donc être réel", a ajouté l'émissaire onusien.

Il a estimé en outre qu'il n'y aurait pas de solution militaire au conflit. "Le gouvernement ne gagnera pas. L'opposition pourrait gagner sur le long terme mais d'ici là, la Syrie n'existera plus. Est-ce que c'est cela une victoire?"

Lakhdar Brahimi a également révélé que Bachar al Assad lui avait confié son intention de se représenter en 2014, tout en soulignant que la crise devrait être résolue d'ici la fin de l'année 2013, faute de quoi "il n'y aura plus de Syrie".

"CA SUFFIT"

Depuis sa nomination en août dernier, l'émissaire international s'efforce de relancer la déclaration de Genève, un plan de résolution de la crise syrienne qui ne dit rien du rôle futur de Bachar al Assad, et qui a été négocié par son prédécesseur Kofi Annan.

Dans cette optique, il s'entretiendra vendredi à Genève avec des diplomates russe et américain, a annoncé mercredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, cité par l'agence Interfax. (voir )

La Coalition nationale syrienne, qui regroupe les courants d'opposition, a salué les déclarations de Lakhdar Brahimi qui, a-t-elle dit, "étaient attendues depuis longtemps."

"Il n'avait pas critiqué Assad auparavant. Mais le discours d'Assad dimanche l'a désespéré et il n'a eu d'autre choix que de dire au monde que ce pouvoir est celui d'une famille, et que plus de 40 ans, ça suffit", a déclaré le représentant de la Coalition à Londres, Oualid Saffour.

La Russie, alliée du régime baasiste, a estimé quant à elle que les idées avancées dimanche par le président syrien devaient être prises en considération dans la recherche d'une solution à la crise.

Assad a "affirmé sa disponibilité pour l'instauration d'un dialogue inter-syrien sur la base de la souveraineté de la Syrie (...) et le principe de non-ingérence dans ses affaires intérieures", a déclaré mercredi le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

"FINI EN SYRIE"

Damas n'a pas fait de commentaires sur les remarques de l'émissaire international. L'agence officielle syrienne Sana a simplement annoncé que le nouveau plan de Bachar al Assad avait été envoyé aux Nations unies, et précisé qu'il était en accord avec le plan de paix de Brahimi.

Sur les réseaux sociaux syriens, les partisans du régime n'ont cependant pas tardé à réagir. "Brahimi est fini en Syrie, il pourrait aussi bien démissionner", a déclaré l'internaute "SyrianCommando" sur Twitter.

Des partisans de l'opposition ont pour leur part réagi avec méfiance. "Toute initiative qui n'exige pas le départ de l'ensemble du régime et sa traduction devant la justice restera insuffisante", a déclaré par téléphone le colonel dissident Abdel Jabar Oqeidi.

Sur le fait que les Syriens en auraient assez du règne des Assad, le combattant rebelle Abou Faissal s'est demandé si c'était "une découverte, après deux ans". "Nous devrions peut-être lui vouer un culte à présent?", a-t-il suggéré.

Sur un autre plan diplomatique, quarante-huit Iraniens retenus en otages par des rebelles syriens ont par ailleurs été remis en liberté mercredi en échange de l'élargissement de détenus civils, selon la chaîne de télévision iranienne Press TV. L'échange, qui n'a pas été confirmé, avait auparavant été annoncé par l'organisation humanitaire turque IHH.

(Avec Marcus George et Steve Gutterman, Pascal Liétout, Jean-Philippe Lefief et Hélène Duvigneau pour le service français)