(Actualisé avec déclarations des avocats)

par Thomas Escritt

LA HAYE, 10 février (Reuters) - Le chef de guerre congolais Bosco Ntaganda, inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, a donné l'ordre à ses combattants, y compris des enfants, de commettre des massacres et des viols afin de terroriser les populations, ont estimé lundi les procureurs à la Cour pénale internationale.

"Il a joué un rôle-clé dans la préparation des attaques contre la population civile, destinée à conquérir du territoire", a déclaré la procureure Fatou Bensouda, à l'ouverture de l'audience de lundi consacrée à la confirmation des charges.

Ntaganda, qui dirigeait la milice des Patriotes congolais unis (PCU), "n'a ni prévenu ni puni les crimes commis par les troupes sous son commandement et son contrôle effectif", a dit Fatou Bensouda.

La chambre préliminaire de la CPI doit décider ou non de renvoyer l'affaire devant une chambre de première instance qui sera chargée du procès proprement dit.

A ce jour, la CPI, qui a été officiellement créée en juillet 2002, n'a prononcé qu'une seule condamnation, visant un autre chef de guerre de RDC (République démocratique du Congo), Thomas Lubanga, lequel a écopé en 2012 d'une peine de 14 ans de réclusion pour avoir enrôlé des enfants combattants.

Surnommé "Terminator" par ses victimes, Bosco Ntaganda, né au Rwanda et membre de l'ethnie des Hema, est accusé de très nombreuses atrocités, dont des meurtres, des viols et l'enrôlement forcé d'"enfants-soldats", notamment lors du conflit qui a éclaté en 2002-2003 dans la province de l'Ituri, riche en minerais.

Ancien général des forces gouvernementales de République démocratique du Congo (RDC) devenu chef militaire du M23 avant d'être écarté, il est considéré comme l'un des plus violents chefs de guerre de l'est de la RDC de ces 15 dernières années.

Il risque la réclusion à perpétuité s'il est reconnu coupable des charges retenues contre lui. Il n'a pas encore indiqué comment il entendait plaider.

LA CPI VA SE PRONONCER SUR KENYATTA

Les avocats de Ntaganda ont fait valoir que leur client tentait de protéger les populations civiles locales à un moment où les autorités congolaises étaient "absentes de la région ou contribuaient" à la violence.

"Prendre les armes pour défendre son peuple n'est pas un crime, c'est un droit fondamental", a déclaré un des avocats. Ntaganda, homme grand et mince, la lèvre ourlée d'une fine moustache, s'est brièvement levé pour confirmer son identité lors de l'audience.

Il a créé la surprise en mars 2013 en se rendant à l'ambassade des Etats-Unis au Rwanda. Peu après son transfert à La Haye, les procureurs de la CPI avaient demandé un délai pour revoir un dossier mis en sommeil pendant les cinq ans qui se sont écoulés entre son inculpation et sa reddition.

L'audience de lundi représente une étape importante pour Fatou Bensouda, procureure générale de la CPI, qui s'est engagée à faire en sorte que les dossiers soient constitués au moment où ils ont transmis à la Cour.

Il s'agissait d'une réponse implicite aux universitaires et aux Etats membres qui reprochent à la juridiction le classement de plusieurs affaires fautes de preuves.

La CPI doit se prononcer dans les semaines qui viennent sur la poursuite des procédures entamées à l'encontre du président kényan - son dossier le plus chaud - après le désistement de plusieurs témoins-clés.

Uhuru Kenyatta et son vice-président, William Ruto, sont poursuivis pour cinq chefs de crimes contre l'humanité (meurtre, expulsion ou déplacement forcé de population, viol, persécution, et autres actes inhumains) pour les violences post-électorales de 2007-2008 qui ont fait 1.200 morts au Kenya.

Deux autres personnalités inculpées par la CPI - le président soudanais Omar Hassan al Bachir et Saïf al Islam Kadhafi, fils du défunt numéro un libyen Mouammar Kadhafi - ne peuvent être jugés à La Haye car leurs pays refusent de les livrer à La Haye. (Thomas Escritt, Jean-Philippe Lefief et Eric Faye pour le service français)