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PARIS/TOKYO (Reuters) - Les discussions entre Renault et Nissan sur l'investissement du groupe japonais dans l'entité électrique de son partenaire français, en plein remaniement d'une alliance vieille de vingt ans, achoppent sur le partage des technologies, ont dit à Reuters plusieurs sources proches du dossier.

Les deux groupes ont confirmé ce mois-ci être en discussions sur la structure future de Renault Nissan et sur un investissement potentiel de Nissan dans l'entité "Ampère", que Renault va créer aux côtés d'une entité "Horse" dédiée aux motorisations thermiques.

Dans le cadre de ces discussions, Renault pourrait réduire progressivement sa participation dans Nissan de 43% à 15%, a rapporté précédemment Reuters, ramenant les deux constructeurs sur un pied d'égalité et marquant une révolution pour l'alliance franco-japonaise fondée en 1999 et longtemps incarnée par le PDG déchu Carlos Ghosn.

Les discussions battent toujours leur plein mais selon deux sources proches du dossier, un accord reste à trouver sur le partage de la propriété intellectuelle (IP) et des brevets.

Selon l'une des sources, les constructeurs automobiles prévoient de faire une annonce le 15 novembre, mais les détails n'ont pas encore été finalisés et pourraient encore prendre des semaines.

"Ce qui importe, c'est ce que Nissan apportera en IP, en ingénieurs et en projets communs", a dit une des sources. "Comme toujours dans l'industrie, c'est ce que l'on fait vraiment dans le monde réel qui compte. L'alliance peut bouger et se reconstruire si ce n'est pas uniquement financier."

Selon une autre source, au-delà de l'inventaire des solutions techniques déjà utilisées par les deux partenaires, Nissan est particulièrement vigilant sur le partage de ses toutes nouvelles technologies, notamment celle de la batterie solide qu'il pilote au sein de l'alliance.

Renault et Nissan ont refusé de faire un commentaire.

Le constructeur automobile japonais s'est longtemps ému d'une situation perçue comme une domination française au sein de Renault Nissan. De nombreux dirigeants du groupe nippon voient toujours la relation entre les deux groupes comme déséquilibrée, surtout en matière de R&D avancée.

L'OMBRE DU POLITIQUE

Dans une industrie automobile mondiale engagée dans une course à marche forcée à l'électrification, les technologies associées sont un enjeu stratégique pour les entreprises comme pour la France et le Japon.

L'Etat français, principal actionnaire de Renault, soutient les discussions en cours, mais à condition qu'elles aident "au renforcement et au développement de la stratégie d'avenir du groupe (Renault) et de l'alliance", a souligné le président Emmanuel Macron dans une interview aux Echos, dimanche dernier, à la veille du Mondial de l'auto.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a insisté à son tour mardi au Salon pour dire qu'il attendait des garanties sur le maintien de projets communs en matière industrielle et technologique.

"L'Etat soutiendra tout mouvement ou évolution qui renforcerait Renault, son développement et donnera éventuellement un nouvel élan à l'alliance", a poursuivi vendredi le nouveau directeur général de l'Agence des participations de l'Etat (APE) Alexis Zajdenweber.

"Evidemment c'est un sujet qu'on suit. Le concret, les projets industriels qu'ils font ensemble, c'est ça qui est essentiel pour l'avenir de Renault."

Cette insistance est parvenue jusqu'au ministère japonais de l'Economie et du commerce (METI), a indiqué une des sources, conduisant le METI à prendre contact avec Nissan pour l'interroger sur le dossier.

Le ministère japonais de l'Economie et du commerce n'a pas répondu à une demande de commentaire de Reuters, tadis que Bercy s'est refusé à tout commentaire.

Afin de ramener Renault dans la course à l'électrique, où il s'est vu détrôner par des nouveaux venus comme Tesla ou des poids lourds comme Volkswagen ou Stellantis, le directeur général Luca de Meo doit détailler le 8 novembre prochain son projet d'entités "Ampère" et "Horse".

Selon trois sources, un accord n'a pas non plus encore été trouvé sur le montant que Nissan investirait dans l'entité électrique, notamment parce que la valorisation définitive d'"Ampère" ne sera connue que l'an prochain, lors de son introduction en Bourse.

Bloomberg News a rapporté que Nissan investirait entre 500 et 750 millions de dollars pour une participation de 15%.

Renault est plus pressé que son partenaire de parvenir à un accord pour répondre aux besoins de financement de la nouvelle activité, a poursuivi une des sources.

"Nissan n'a pas un besoin absolu de participer", a-t-elle dit, ajoutant que le groupe japonais doit lui aussi rendre des comptes à ses actionnaires sur tous ses investissements.

Quant à Mitsubishi, il ne se positionnera pas sur "Ampère" tant que les discussions avec Nissan ne seront pas bouclées.

"Au sujet de la filiale électrique de Renault, MMC n'a pas encore à ce stade engagé un travail détaillé sur son investissement", a dit à Reuters une porte-parole du troisième partenaire de l'alliance franco-japonaise.

"Si MMC investit dans la nouvelle entité de véhicules électriques de Renault, il ne s'agira toutefois que d'une participation de quelques pour cents", a dit une autre source. "Afin de maintenir une bonne alliance."

(Avec Satoshi Sugiyama à Tokyo et Leigh Thomas à Paris, édité par Matthieu Protard et Sophie Louet)

par Gilles Guillaume, Maki Shiraki et David Dolan