Milan (awp/afp) - Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a promis rapidement à l'UE un nouveau budget, dans le but d'éviter une procédure d'infraction, mais il n'est pas certain que l'effort soit jugé suffisant par Bruxelles.

La Commission européenne a rejeté le 23 octobre le projet de budget italien pour 2019, qui prévoit officiellement un déficit à 2,4% du PIB, et a ouvert la voie à une procédure pouvant conduire à des sanctions.

"Mon objectif est d'éviter à l'Italie une procédure d'infraction faisant mal à notre pays et qui risque également de faire mal à l'Europe", a déclaré M. Conte dans un entretien au quotidien italien Avvenire, publié mardi.

"Je suis en train de mettre au point la proposition que l'Union européenne ne pourra pas ne pas prendre en considération. Elle arrivera dans les prochaines heures", a-t-il assuré, sans fournir de précision sur le délai.

La proposition "ne compromet en rien (...) les réformes programmées. J'ai quelques projections sur l'impact économique de la +quota 100+ (la réforme des retraites avec un départ anticipé) et du revenu de citoyenneté. Cela peut me donner une marge de manoeuvre à dépenser et à utiliser dans la négociation" avec l'UE, a ajouté M. Conte.

Le chef du gouvernement, composé de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement cinq étoiles (M5S, antisystème), s'est refusé à donner des chiffres, expliquant que "pour que la négociation fonctionne, il faut de la réserve".

Éviter une récession

Le ministre des Finances Giovanni Tria a souligné de son côté que Rome cherchait à "concilier les exigences de Bruxelles" avec les "priorités du gouvernement", soulignant que les deux principales réformes (revenu de citoyenneté et retraites) n'étaient "pas en discussion".

Il a rappelé que l'objectif du gouvernement était de "relancer la croissance" et éviter une nouvelle récession.

Bruxelles juge largement hors des clous le projet de budget italien, qui affiche un déficit très supérieur à ce que prévoyait le précédent exécutif de centre gauche (0,8% en 2019), et se base sur des prévisions de croissance estimées trop optimistes.

La Commission a donc jugé "justifiée" l'ouverture d'une "procédure de déficit excessif" fondée sur une dette trop importante. L'Italie affiche le ratio d'endettement le plus élevé de la zone euro (131% du PIB) derrière la Grèce.

"Nous soutenons l'évaluation de la Commission et recommandons à l'Italie de prendre les mesures nécessaires", ont affirmé l'ensemble des ministres des Finances de la zone euro, l'Eurogroupe, réunis à Bruxelles.

Avec sa dette, a commenté le ministre allemand Olaf Scholz, Rome "doit être bien plus prudent" que les autres pays de la zone euro.

Mais "la seule chose sur laquelle nous ne pouvons prendre aucun risque, c'est d'entrer dans une impasse dans laquelle nous n'avons pas de canal de dialogue", a cependant insisté le président de l'Eurogroupe, Mario Centeno.

Grogne du patronat

La Commission avait salué lundi le "changement de ton" de la coalition populiste, tout en disant attendre toujours un effort "significatif" de sa part.

"Il est positif que le ton des discussions ait changé (...). Mais un ajustement significatif du budget 2019 est également nécessaire", avait ainsi affirmé le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, qui avait déjà estimé la semaine passée qu'une réduction à 2,2% du déficit serait insuffisante.

"Nous ne contestons pas la réforme des retraites, les choix du gouvernement italien, parce que c'est à lui de faire ses propres choix", a insisté mardi le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. "Ce que nous essayons d'obtenir, c'est simplement le respect" des règles.

Dans le pays, la colère commence à gronder dans les rangs du patronat, inquiet alors que le pays a vu son PIB reculer de 0,1% au troisième trimestre, une première depuis 2014.

"Nous sommes opposés à cette loi de finances parce qu'elle ne fait rien pour la croissance", a dénoncé lundi le patron de la principale organisation patronale, la Confindustria, Vincenzo Boccia.

Les entrepreneurs critiquent une logique d'assistance, le manque de vision industrielle du gouvernement et la remise en cause de certains dégrèvements visant à les aider à se moderniser.

afp/lk