Lausanne (awp/ats) - Le Ministère public de la Confédération (MPC) veut mettre fin à une procédure en lien avec une fraude fiscale portant sur 230 millions de dollars en Russie. Il entend cependant confisquer une petite partie des 18 millions de francs suisses qui ont été séquestrés.

Le montant qui devrait être confisqué oscille entre 1 et 4 millions de francs suisses, indique le MPC qui confirme des articles parus dans la presse. La procédure avait été lancée à la suite d'une plainte de la société londonienne d'investissement Hermitage Capital Management de William Browder, ainsi que d'annonces au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS).

Le patron d'Hermitage Capital a violemment critiqué les intentions du MPC dans l'un des articles. Il a l'intention d'attaquer en justice un éventuel classement. De son côté, le Parquet indique que les parties ont été informées et que sa décision n'est pas encore entrée en vigueur. Le délai imparti pour les prises de position court jusqu'au début décembre.

La procédure pénale lancée en 2011 par le MPC - et achevée dans l'intervalle - était dirigée contre inconnus. Elle portait sur des soupçons de blanchiment d'argent entre 2008 et 2010. Avec la complicité de hauts fonctionnaires, les auteurs se seraient emparés à fin 2007 de fonds atteignant 230 millions de dollars provenant de remboursements d'impôts.

Le pot aux roses avait été découvert par le réviseur Sergei Magnitski qui était l'avocat d'Hermitage Capital. Cet homme de 37 ans est mort le 16 novembre 2009 dans une prison moscovite, peu avant sa libération après une peine d'un an. Les causes de son décès restent mystérieuses à ce jour.

Après une enquête sur mandat du Conseil de l'Europe, l'ancien conseiller national Andreas Gross estimait qu'une assistance médicale avait été refusée à Sergei Magnitski. Il n'excluait pas que l'homme ait été battu à mort.

Plaignante privée

Hermitage Capital fondait sa plainte sur les informations livrées par le directeur financier de l'un des principaux suspects. Ce témoin a été empoisonné à Londres. Le MPC avait admis au départ la société d'investissement en qualité de plaignante privée. Il devra préciser ce point dans son ordonnance de classement.

Selon Hermitage Capital, les fonctionnaires russes corrompus et leurs familles ont eu recours à des comptes en Suisse afin de blanchir l'argent soustrait au fisc. De son côté, le MPC a indiqué à l'agence Keystone-ATS que ses recherches n'ont pas porté sur l'affaire Magnitski.

Il s'est concentré sur les soupçons de blanchiment. Durant l'enquête, il a adressé des demandes d'entraide judiciaires à la Russie, à la Moldavie, à la Lettonie, à Chypre et aux Etats-Unis.

Les dernières réponses sont parvenues en 2019 et 2020 de Washington. Les enquêteurs ont examiné les flux financiers et les relations entre les personnes impliquées. A cet effet, ils ont interrogé des dizaines de témoins. En outre, la Suisse elle-même a accordé l'entraide judiciaire à d'autres Etats.

Au terme de ces recherches, le MPC n'est pas parvenu à confirmer dans tous les cas une relation entre la fraude fiscale en Russie et les soupçons de blanchiment en Suisse. Ce constat l'amène à envisager le classement de la procédure.

Là où un lien a été établi, le Parquet entend ordonner la confiscation des fonds séquestrés. Le reste devrait être restitué aux suspects par le biais d'une créance compensatoire.

Dans la presse, William Browder parle d'une invitation aux corrompus à cacher leur argent en Suisse. "Les pires stéréotypes d'une Suisse refuge pour l'argent sale sont ainsi renforcés", a déclaré le financier au Tages-Anzeiger.

ats/al