(Bien lire que la rencontre Sarkozy-Merkel-Monti aura lieu vendredi et non jeudi)

* La France et l'Espagne dégradées par Standard & Poor's

* Sarkozy évoquera la crise de l'euro avec Rajoy

* L'Espagne ne veut pas être assimilée à l'Italie

par Emmanuel Jarry

PARIS, 15 janvier (Reuters) - Nicolas Sarkozy sera lundi en Espagne, officiellement pour recevoir le collier de l'Ordre de la Toison d'or, la plus haute distinction espagnole, mais aussi pour parler de la crise de la zone euro à 15 jours d'un nouveau Conseil européen.

Le président français, qui avait fait de la défense de la note souveraine triple A de la France un impératif, risque de voir sa position affaiblie par la perte de ce précieux label.

Sa visite à Madrid intervient trois jours après la décision de l'agence Standard & Poor's, vendredi, de baisser la note de neuf pays de la zone euro, dont celles de la France, d'un cran, à AA+, et de l'Espagne, de deux crans, à A.

Au sein de la zone euro, seuls l'Allemagne, le Luxembourg, la Finlande et les Pays-Bas conservent la note maximum (AAA), gage d'emprunts à moindre coût sur les marchés financiers.

Nicolas Sarkozy a souvent cité ces derniers mois l'Espagne en contre-exemple, avec la Grèce, le Portugal ou l'Italie.

"En Espagne (...), les salaires viennent d'être diminués de 5%, la durée du temps de travail augmentée de deux heures. Voilà ce qui arrive dans de grands pays proches du nôtre quand on n'a pas eu le courage de mettre en ÷uvre des réformes difficiles au moment où il fallait les mettre en ÷uvre", déclarait-il encore jeudi dernier à Lille, lors de ses voeux aux fonctionnaires.

Mais la France est aujourd'hui rattrapée à son tour par des décennies de laxisme budgétaire et il sera plus difficile au chef de l'Etat de faire la leçon à ses partenaires.

Sa visite à Madrid marque le début d'une semaine très dense, qui le verra présider mercredi à l'Elysée un sommet social sur la crise et rencontrer vendredi à Rome la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président du conseil italien, Mario Monti.

Après un déjeuner avec le roi Juan Carlos, il s'entretiendra avec le président du gouvernement Mariano Rajoy, qui a remplacé le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, après la victoire du Parti populaire (PP, centre-droit) aux élections de novembre.

Le nouveau gouvernement a déjà annoncé 8,9 milliards d'euros de réductions des dépenses publiques et des hausses d'impôts.

"L'ESPAGNE N'EST PAS L'ITALIE"

Le déficit public espagnol pourrait avoir dépassé en 2011 la barre de 8% du PIB alors que l'objectif initial était fixé à 6%, admettait début janvier le ministre de l'Economie, Luis Guindos.

L'Espagne, en récession et avec un taux de chômage de plus de 20%, est un des pays de la zone euro qui pourraient devoir faire appel au Fonds européen de stabilité financière (FESF) et au Fonds monétaire international pour redresser ses finances.

Quatrième économie de la zone, elle ne veut cependant pas être assimilée à l'Italie, qui occupe le troisième rang mais est également plongée dans de graves difficultés, avec une note souveraine encore plus basse (BBB+ chez S&P).

"L'Espagne n'est pas l'Italie. Sans critiquer personne, les deux pays sont dans des situations différentes, en particulier d'un point de vue politique", explique Jorge Moragas, directeur de cabinet du nouveau chef du gouvernement espagnol.

Mariano Rajoy déclinerait ainsi toute invitation à se joindre au sommet Sarkozy-Merkel-Monti. L'Espagne voit dans ce rendez-vous la volonté de Paris et Berlin de se porter au chevet d'un des pays les plus malades de la zone euro et ne veut surtout pas être mise dans le même panier, dit-on à Madrid.

Mariano Rajoy a à coeur de montrer que l'Espagne peut être la "Prusse" ou l'Allemagne de l'Europe du Sud en appliquant une discipline budgétaire de fer, quel qu'en soit le prix, afin de restaurer la confiance des marchés, dit-on au PP. En échange, il attend une aide accrue de la Banque centrale européenne (BCE).

L'Espagne soutient par ailleurs l'idée d'une taxe sur les transactions financières, dont le chef de l'Etat français a fait une autre priorité de la fin de son quinquennat.

Attendu à la mi-journée à Madrid, Nicolas Sarkozy sera lundi le premier président de la Ve République française à recevoir, des mains de Juan Carlos, le Collier de la Toison d'or, un ordre de chevaliers inspiré de la mythologie grecque.

L'Espagne veut notamment le remercier pour la coopération de Paris dans la lutte contre l'organisation séparatiste basque ETA, qui a annoncé en octobre son renoncement à la lutte armée.

Huit chefs d'Etat français ont reçu cette distinction, de Louis-Napoléon Bonaparte en 1850 - avant de devenir l'empereur Napoléon III en 1852 - à Gaston Doumergue en 1926. (Avec Fiona Ortiz à Madrid, édité par Yves Clarisse)