BRUXELLES, 15 décembre (Reuters) - Le Parlement européen, qui s'est dit jeudi "consterné" par les soupçons de corruption pesant sur le Qatar et plusieurs de ses membres, a décidé de suspendre tout travail législatif en rapport avec l'émirat.

La vice-présidente Eva Kaili, l'une des 14 que compte le Parlement, est au nombre des quatre personnes écrouées dimanche en Belgique dans cette enquête pour "corruption, blanchiment et organisation criminelle". L'institution européenne a mis fin mardi au mandat de l'élue grecque, qui proteste de son innocence.

Dans une procédure distincte, le parquet européen a annoncé jeudi demander la levée de l'immunité parlementaire de l'ex-vedette de la télévision grecque, ainsi que d'une autre eurodéputée grecque, Maria Spyraki.

Cette enquête porte sur une fraude présumée relative à l'usage des indemnités parlementaires, singulièrement la rémunération des assistants parlementaires, précise dans un communiqué le Bureau du procureur général européen (BPGE).

Dans une résolution adoptée jeudi par 541 voix pour, deux contre et trois abstentions, le Parlement européen se dit "consterné" par les accusations de corruption visant principalement Eva Kaili, qui est soupçonnée d'avoir reçu de l'argent du Qatar pour influencer les décisions au Parlement.

Quelque 1,5 millions d'euros ont été saisis, selon une source proche de l'enquête.

Les députés "dénoncent" les tentatives de corruption présumées de l'émirat, qui constituent "une grave interférence étrangère dans les processus démocratiques de l'Union européenne".

Les autorités qataries rejettent également toute malversation.

Les représentants de l'émirat sont désormais indésirables au Parlement européen, aux termes de la résolution votée jeudi. Les titres d'accès de tout représentant des intérêts qataris sont suspendus le temps des procédures judiciaires.

Il en est de même pour le travail législatif, particulièrement s'agissant de la politique des visas et de l'ouverture promise du ciel européen à la compagnie Qatar Airways, en vertu d'un accord scellé fin 2021. Les visites sont également gelées durant l'enquête.

Les parlementaires s'inquiètent en outre de potentiels conflits d'intérêts, demandent la transparence sur les avoirs des eurodéputés et l'interdiction des financements externes.

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, s'est engagée jeudi à mettre en oeuvre un programme robuste de réformes pour "reconstruire la confiance", tout en concédant qu'"un gros sac d'argent liquide" représenterait toujours un appât pour certains. (Reportage Philip Blenkinsop et Charlotte Van Campenhout, version française Sophie Louet, édité par Kate Entringer)