par Jonathan Lynn et William Schomberg

Selon des sources proches du dossier, la Commission européenne et plusieurs pays d'Amérique latine ont trouvé dimanche matin un accord dans le différend qui les oppose sur le quota tarifaire préférentiel octroyé par l'Union européenne à ses anciennes colonies pour leurs exportations de bananes.

L'accord prévoirait une baisse progressive des droits de douane de l'UE qui passeraient de 176 euros à 148 euros la tonne à partir de 2009, pour tomber à 114 euros en 2016.

Mais le Cameroun, parlant au nom des exportateurs de bananes des anciennes colonies européennes des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique), a indiqué dans l'après-midi que l'accord était inacceptable en l'état.

Les pays ACP, dont les bananes sont exemptées de droits de douane à leur entrée dans les pays de l'UE, font valoir qu'un nouvel abaissement des droits de douane à l'importation en Europe pour leurs concurrents d'Amérique latine pourrait être dévastateur pour leur production bananière.

Le ministre camerounais du Commerce du Cameroun, Luc Magloire Atangana Mbarga, a estimé qu'il y avait "un risque réel" que le différend sur la banane bloque l'ensemble des négociations du cycle de Doha.

"Il y a un risque réel mais il ne faut pas que le chantage entre dans les négociations commerciales", a dit le ministre à la presse avant d'entrer en réunion avec des responsables de l'UE.

Il a indiqué que le Cameroun voulait un soutien financier pour compenser les revenus à l'export qui seront perdus au profit des concurrents des pays d'Amérique latine ainsi qu'un délai de grâce de deux ou trois ans avant l'abaissement des droits de douane de l'UE.

LA BANANE, FACTEUR DE STABILITE

Les Etats membres de l'UE comme la France et l'Espagne ont des agriculteurs aux Antilles et dans les îles Canaries spécialisés dans la banane.

La banane est un produit d'exportation très important pour de nombreux pays d'Amérique Latine et ACP. Au Cameroun, le secteur de la banane est le premier employeur du pays après le secteur public. Selon le gouvernement, ce secteur aide à prévenir l'agitation en Afrique de l'Ouest, en proie à de nombreuses guerres civiles ces dernières années.

Les négociations à l'OMC qui ont commencé lundi, devraient se poursuivre jusqu'en milieu de semaine. Il s'agit de débloquer les positions pour trouver un accord sur l'ouverture des marchés agricoles et industriels, les deux dossiers les plus âprement négociés. L'accord final devrait aussi avoir un volet sur les services.

Les délégués espèrent parvenir à un accord sur la banane et les autres produits tropicaux avant la reprise des discussions au niveau des ministres sur le cycle de Doha dimanche soir à Genève.

Le cycle de Doha a été lancé en novembre 2001 dans la capital du Qatar pour donner un coup de pouce à l'économie mondiale en développant les échanges commerciaux par un nouvel abaissement des droits de douane.

Pays pauvres et pays riches campant sur leurs positions, le négociations étaient sur le point de capoter il y a quelques jours, mais un compromis atteint de haute lutte a fini par être adopté vendredi grâce à l'initiative du directeur général de l'OMC.

Pascal Lamy a renvoyé provisoirement l'essentiel des ministres pour ne garder que sept membres importants de l'OMC qui se sont attaqués aux neuf questions les plus sensibles.

Le compromis prévoit un nouvel abaissement du plafond des subventions américaines aux exploitants agricoles et de nouvelles propositions permettant aux pays en développement de protéger leurs agriculteurs.

Le compromis prévoit aussi des limites à la possibilité pour les pays en développement de protéger des pans entiers de leur industrie de l'ouverture commerciale.

Selon une source commerciale, certains pays en développement seraient de plus en plus inquiets face aux signes montrant que la Chine cherche à protéger ses marchés du riz, du coton, du sucre et de certains secteurs industriels.

Cette question devait être abordée dimanche soir.

Version française Danielle Rouquié