par Mark Hosenball

WASHINGTON, 21 janvier (Reuters) - Robert Fowler, un ancien diplomate canadien, est aussi l'un des rares Occidentaux à avoir été pris en otage par Mokhtar Belmokhtar et à avoir côtoyé plusieurs semaines ce chef djihadiste surnommé "l'insaisissable".

Mokhtar Belmokhtar a revendiqué l'attaque par un commando du site gazier de Tiguentourine en Algérie, dont le bilan provisoire est de 80 morts, dont 48 otages et 32 ravisseurs.

Belmokhtar n'était pas présent dans le complexe mais les autorités algériennes le considèrent aussi comme le cerveau de l'opération. (voir )

Robert Fowler, ancien représentant permanent du Canada aux Nations unies, est nommé en 2008 rapporteur spécial de l'Onu pour le Niger, pays alors déchiré par l'insurrection touareg dans le Nord riche en uranium.

Avec Louis Guay, un autre diplomate canadien, et leur chauffeur nigérien Soumana Moukaila, Robert Fowler est enlevé en rentrant un soir de la mi-décembre 2008 sur Niamey, par trois activistes armés de kalachnikov à bord d'un pick-up.

Aujourd'hui à la retraite, le diplomate a raconté sa captivité dans un livre et Reuters a pu le rencontrer.

Ligotés, les trois otages sont jetés à l'arrière du 4x4 qui prend la direction du Sahara. Après un millier de kilomètres à travers le désert, à l'écart des pistes, les trois captifs et leurs trois ravisseurs parviennent à un campement sur une colline, gardé par quatre pick-up équipés de mitrailleuses.

Durant les huit semaines suivantes, les otages y seront détenus dans une tente, se nourrissant essentiellement de riz cuisiné avec du lait en poudre. Le diplomate se dira convaincu d'avoir été retenu prisonnier pendant ses 130 jours de captivité dans le nord du Mali, aujourd'hui contrôlé par les islamistes.

APOSTATS ET INFIDÈLES

Peu après leur arrivée, Fowler et ses compagnons rencontrent un homme présenté comme l'"émir" du groupe affilié à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Petit, vif, plus âgé que les ravisseurs et les gardes, il porte un turban noir et se fait appeler Khaled. Mais ce qui frappe le plus Robert Fowler est qu'il est borgne et le diplomate est convaincu d'avoir affaire à Mokhtar Belmokhtar, l'un des principaux chefs d'Aqmi.

D'après Robert Fowler, ce dernier ne vit pas dans le campement mais il leur rend visite régulièrement et les verra encore sur les 23 sites différents où ils seront conduits au cours des semaines suivantes.

Parfois, l'émir vient leur parler pendant une heure puis disparaît pendant plusieurs jours. D'autres fois, il peut rester avec eux pendant trois jours.

Ces rencontres n'ont rien d'intime ni d'amical.

"C'était un type très concentré", explique le diplomate. Il qualifie ses captifs de "prisonniers de guerre", "apostats" et "infidèles", capturés dans le cadre d'une lutte entre les islamistes et les puissances occidentales.

"Si nous voulions parler de quelque chose, il fallait que ce soit à travers le prisme de l'islam", commente Robert Fowler. Le chef ne parle qu'arabe ou tamasheq, langue berbère parlée par les Touareg. Les otages s'expriment en français et d'autres ravisseurs, qui le parlent couramment, traduisent.

RIVALITÉ AVEC ABOU ZEÏD

Après plus de quatre mois de captivité, les trois otages sont présentés à un activiste plus âgé, plus courtois, qui les informe qu'ils vont être libérés. Mais il faut attendre encore onze jours, au cours desquels Louis Guay sera menacé de mort et Fowler persuadé qu'il ne sortira jamais vivant de cet enlèvement.

Cette dernière période "implique fortement" Mokhtar Belmokhtar et un autre chef djihadiste, Abou Zeïd, qui détient deux femmes européennes en otage.

Finalement, Fowler, ses deux compagnons et les deux femmes sont relâchés sur une route qui mène à Bamako.

Ses ravisseurs lui disent: "Votre pays ne veut pas de vous, mais nous allons vous relâcher."

Le Premier ministre canadien Stephen Harper a toujours démenti le paiement d'une rançon aux kidnappeurs. Une note du département d'Etat américain dévoilée par le site WikiLeaks et reprise par la presse canadienne mentionne des propos du chef des services de renseignement libyens de l'époque disant, sans autres détails, qu'une rançon a été versée.

Selon des responsables de services de sécurité occidentaux, Mokhtar Belmokhtar est ensuite mis à l'écart d'Aqmi pour divergences personnelles ou parce qu'il est jugé trop intéressé par sa propre notoriété.

Abou Zeïd est soupçonné d'avoir ordonné l'assassinat de deux otages occidentaux capturés par le groupe islamiste, le Français Michel Germaneau en juillet 2010 et le Britannique Edwin Dyer en 2009.

ENCADRE-Belmokhtar au centre de la prise d'otages en Algérie (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)