par Michael Nienaber

BERLIN, 30 octobre (Reuters) - La Chine réalise des prises de contrôle stratégiques de sociétés technologiques en Allemagne tout en protégeant ses propres entreprises contre les rachats par des intérêts étrangers en imposant des "conditions discriminatoires", a déclaré samedi le ministre allemand de l'Economie.

Sigmar Gabriel, également vice-chancelier et président du Parti social-démocrate, se rend en Chine la semaine prochaine après avoir fait monter les tensions avec Pékin en bloquant les dernières opérations en date de prise de contrôle d'entreprises technologiques allemandes par des intérêts chinois.

Berlin a opposé son refus au rachat de la filiale de la société d'éclairage Osram par un consortium chinois, trois jours après avoir retiré son autorisation au rachat de l'équipementier des semi-conducteurs Aixtron par un autre groupe chinois.

Dans un éditorial publié par Die Welt, Gabriel appelle l'Union européenne à garantir des règles du jeu équitables et à adopter une approche plus stricte vis-à-vis de la Chine.

"Personne ne peut s'attendre à ce que l'Europe accepte de telles pratiques déloyales de ses partenaires commerciaux", a-t-il dit, ajoutant que l'Allemagne était l'une des économies les plus ouvertes aux investissements directs de l'étranger.

En Chine, au contraire, les investissements directs de la part d'entreprises européennes sont entravés et les prises de contrôle ne sont autorisées qu'assorties de conditions discriminatoires, a-t-il ajouté.

"Mais la Chine, quant à elle, fait ses emplettes avec une longue liste de sociétés intéressantes - et l'intention claire d'acquérir des technologies d'importance stratégique."

Selon la législations allemande, le gouvernement ne peut bloquer les rachats de sociétés que s'ils menacent la sécurité, la défense ou la stabilité financière du pays.

Sigmar Gabriel fait pression pour la mise en place d'une clause de sauvegarde au niveau de l'Europe, qui permettrait d'interdire le rachat de sociétés dont la technologie est jugée stratégique pour l'avenir économique de la région.

AVERTISSEMENT SUR LE STATUT OMC

Le ministre a ajouté que la Chine n'obtiendrait pas le statut clé d'économie de marché à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) si elle ne changeait pas de comportement.

"Si la Chine veut obtenir le statut d'économie de marché, alors elle doit aussi agir en fonction", a dit Gabriel dans une interview au Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.

L'UE discute de l'octroi de ce statut à partir de décembre à Pékin, qui pense y avoir droit 15 ans après avoir rejoint l'OMC.

L'obtention par la Chine du statut d'économie de marché obligerait ses partenaires commerciaux à alléger leurs mesures antidumping pour s'ouvrir davantage aux exportations chinoises.

Malgré le ton vif du ministre de l'Economie, la Chancelière, Angela Merkel, voit la Chine comme un partenaire stratégique de l'Allemagne, non seulement sur le plan commercial mais aussi au niveau géopolitique. La Chine reste le premier partenaire commercial du pays et 60 chefs d'entreprises accompagneront Sigmar Gabriel pendant sa visite de cinq jours.

Depuis le début de l'année, les investisseurs chinois ont réalisé 47 opérations de rachat de cibles allemandes pour un montant total de 10,3 milliards d'euros, selon les données de Thomson Reuters, contre 29 opérations pour 263 millions d'euros sur la totalité de l'année 2015.

Le secrétaire d'Etat à l'Economie, Michael Machnig, a déclaré au Financial Times que Berlin s'inquiétait des opérations qui semblaient pilotées par le gouvernement chinois et qui avaient pour objectif de remporter l'accès à la technologie allemande.

"Nous devons avoir le pouvoir de mener de véritables enquêtes sur les opérations lorsqu'il est clair qu'elles sont dirigées par la politique industrielle ou visent pour permettre des tranferts de technologie", a-t-il dit au quotidien financier. "Si nécessaire, dans certains cas exceptionnels, peut-être même de dire que nous n'allons pas les autoriser."

Le ministre a tenu des propos de plus en plus protectionnistes depuis l'offre de rachat en mai du groupe chinois d'électroménager Midea sur le constructeur de robots industriels Kuka, en cours de finalisation.

(Michael Nienaber, Juliette Rouillon pour le service français)