(Actualisé avec des citations, commentaires)

par Howard Schneider et Svea Herbst-Bayliss

BOSTON, 14 octobre (Reuters) - La Réserve fédérale des Etats-Unis devra peut-être mener une politique adaptée à une économie "à haute pression" pour réparer les dégâts que la crise lui a causés et juguler des risques prenant un caractère permanent, a déclaré la présidente Janet Yellen vendredi.

Sans faire référence directement aux taux d'intérêt ou aux préoccupations immédiates de la politique monétaire, la présidente de la Fed a mis en avant, devant un parterre de responsables monétaires et d'universitaires, la crainte croissante de la banque centrale de voir l'économie perdre de son potentiel, ce qui nécessiterait des mesures énergiques pour le reconstituer.

La question, a expliqué Yellen, est de savoir si on peut réparer les dégâts "en gérant pour un temps donné une 'économie à haute pression', caractérisée par une forte demande cumulée et un marché du travail tendu; on peut certainement déceler dans quelle mesure du possible et du plausible cela pourrait se produire".

Poursuivre des politiques qui réduiraient encore plus le chômage et doperaient la consommation, même au risque d'une poussée de l'inflation, serait susceptible de convaincre les entreprises d'investir, d'étayer la confiance et de ramener dans le marché de l'emploi des personnes qui étaient jusque là sur la touche.

Les propos de la présidente de la Fed, qui ouvrent des perspectives dépendant largement toutefois de recherches et d'études qui, à son sens, restent à faire, sont symptomatiques d'un débat qui agite la Fed et qui consiste à savoir si la situation économique est à présent suffisamment proche de la normale pour enclencher de nouvelles hausses des taux ou au contraire si l'économie, affligée de séquelles profondes, se traîne.

Wall Street a accru ses gains après ces déclarations, tandis que le dollar a fléchi et que les Treasuries ont monté.

"Elle prépare peut-être à une hausse des taux en décembre mais elle ne veut pas être devancée par le marché", dit David Keeble (Credit Agricole Corporate & Investment Bank). "Plus d'inflation, ça ne la gêne pas".

"C'est une réfutation claire des arguments des 'faucons'" qui veulent relever les taux bientôt, ce que l'on retrouve chez certains présidents d'antennes régionales, observe Christopher Low (Ftn Financial).

ÉCONOMIE "NON CONFORMISTE"

Eric Rosengren, le président de la Fed de Boston, hôte de la conférence durant laquelle Yellen s'est exprimée, était partisan, lors de la réunion de politique monétaire de septembre, d'un resserrement monétaire immédiat.

Il a toutefois admis vendredi que l'économie était "non conformiste" en raison de sa croissance molle et l'opinion générale est qu'elle évolue surtout en fonction de paramètres démographiques qui ne sont guère susceptibles d'évoluer.

"Il se peut qu'on doive se faire à la réalité d'une croissance basse", constate John Fernald, un chercheur de la Fed de San Francisco. "Le potentiel est réellement bas".

Un tel constat pourrait figurer très haut dans l'ordre du jour des prochaines réunions de politique monétaire, lors desquelles se constituera peut-être ou peut-être pas un courant favorable à un dépassement de l'objectif d'inflation de la Fed, actuellement de 2%, pour favoriser et l'emploi et l'investissement.

Pour Janet Yellen, la crise a pu causer des dommages permanents, au point qu'il faudra éventuellement repenser les politiques monétaire et budgétaire. Cela pourrait passer, par exemple, par une gamme d'outils non conventionnels plus étendue et plus rapidement mobilisable lors d'une récession, afin d'éviter de nouvelles séquelles.

"Cette expérience post-crise suggère que les changements de la demande cumulée peuvent avoir un effet appréciable et persistant sur l'offre cumulée, soit sur la production potentielle", a poursuivi Yellen.

"Si une conjoncture économique solide peut en partie réparer les dégâts de l'offre, une fois ceux-si survenus, alors les autorités monétaires pourraient tendre à être plus accommodantes en phase de reprise que cela ne serait nécessaire suivant l'opinion habituelle voulant que l'offre dépend dans une grande mesure de la demande".

Il serait "encore plus important pour les autorités monétaires d'agir rapidement et énergiquement en réplique à une récession parce que cela reviendrait à réduire l'intensité et la durée du passage à vide".

Les anticipations d'inflation du public étant à ce point figées, Yellen estime également qu'un procédé tel que le pilotage (forward guidance) desdites anticipations "pourrait à nouveau s'avérer nécessaire à l'avenir car il est vraisemblable que l'économie mondiale continuera de connaître des taux d'intérêt historiquement bas; en conséquence réduire les taux d'intérêt à court terme ne serait sans doute pas la réponse la plus adaptée à une future récession".

(Wilfrid Exbrayat pour le service français)