Kraft, je t'aime, moi non plus...
Dans une interview accordée au réseau CNBC, Warren Buffett exprime clairement son scepticisme face à la fusion entre Kraft et Cadbury. Actionnaire majeur de Kraft, Buffett explique que, s'il avait eu "la chance de pouvoir voter, il aurait voté non". Après l'accord entre les deux groupes, il "se sent plus pauvre" (sic) qu'auparavant.

À ses yeux, le rapprochement n'a eu lieu que parce que les conditions de crédit le permettaient, mais sans réel perspective industrielle. L'ami Warren détient 9% du capital de Kraft mais, même s'il est déçu, il n'envisage pas de céder sa part. Ce serait trop coûteux explique-t-il, le titre étant encore largement sous-évalué.

Le patron de Berkshire Hathaway est très poli avec la patronne de Kraft, Irene Rosenfeld : c'est un "bon dirigeant, une personne bien", avec laquelle il entretient "des relations cordiales"... malgré des "opinions divergentes". Car une fois retiré le gant de velours, Buffett n'hésite pas à pas à exprimer plus franchement sa grogne. Au-delà du rapprochement avec Cadbury, il regrette que le groupe ait cédé son activité de pizzas à Nestlé et ce, à un prix qu'il juge bien trop bas.

Buffett assure qu'il n'a aucunement l'intention de se muer en activiste financier. On peut imaginer qu'il laisse cela à d'autres, comme Nelson Peltz, défenseur forcené du mariage Kraft/Cadbury...

Une dilution qui lui fend le cœur
Sur les activités de son propre groupe, Buffett doit un peu jouer aux équilibristes devant les questions des journalistes. Dans quelques temps, il proposera à ses actionnaires une dilution de capital de Berkshire Hathaway. Or, l'homme d'affaires s'est toujours fermement opposé à ce type d'opérations visant à rendre les titres un peu plus liquides sur le marché.

Chantre de l'investissement à long terme, on comprend que ces manœuvres n'ont pas vraiment ses faveurs. Il se résout pourtant à tordre le cou à ses principes mais, nous assure-t-il, c'est pour la bonne cause. Une telle dilution était indispensable pour conforter sa reprise de Burlington Northern Santa (chemins de fer).

Interrogé sur la santé de l'économie en général, il estime que les esprits ne pourront redevenir vraiment tranquilles que lorsque la question du chômage sera résolue. Les différentes filiales de Berkshire Hathaway ont supprimé 25 000 emplois en 2009 et le groupe ne réembauchera pas avant d'avoir assisté à une réelle reprise des commandes.

Grand défenseur de la politique économique du président Obama, Buffett émet cette fois-ci un bémol. La taxe que l'administration américaine veut imposer aux banques "lui paraît injuste". Il n'y a pas de raison, selon lui, pour que les banques qui ont traversé la crise sans rien devoir à l'État, doivent rembourser les faillites des sociétés hypothécaires publiques, Freddie Mac et Fannie Mae.

Enfin, il avertit les sénateurs des États-Unis : s'ils ne réélisent pas Ben Bernanke à la tête de la Fed, ils risquent de causer un véritable choc sur les marchés. Un hommage à Bernanke qui tombe à point, alors que la majorité sénatorial des États-Unis vient de se déporter légèrement du côté Républicain.