Paris (awp/afp) - Les difficultés de la division spatiale d'Airbus et de ses fournisseurs pour les avions commerciaux brident l'activité du géant européen, contraint de revoir à la baisse ses ambitions pour 2024, dont le bénéfice sera amputé.

L'avionneur européen a averti les marchés lundi soir qu'il ne serait pas en mesure de respecter la feuille de route qu'il s'était fixé en début d'année et devait passer une nouvelle provision de 900 millions d'euros au premier semestre, liée à "certains programmes spatiaux de télécommunications, de navigation et d'observation".

Conséquence, le groupe, qui prévoyait un bénéfice opérationnel ajusté pour 2024 compris "entre 6,5 et 7,0 milliards d'euros", ne table plus que sur 5,5 milliards d'euros.

Il prévoit également désormais un flux de trésorerie disponible de 3,5 milliards d'euros, contre 4 milliards auparavant. Airbus présentera ses résultats semestriels le 30 juillet.

Dans le secteur spatial, l'industriel avait déjà dû passer une charge de 600 millions d'euros l'an passé en raison de l'estimation du coût de développement et des perspectives commerciales de certains programmes, notamment les nouveaux satellites géostationnaires de télécommunications Onesat.

"L'équipe dirigeante que nous avons nommée a procédé à un examen technique approfondi de tous les programmes et a identifié d'autres défis commerciaux, techniques et industriels sur la durée de vie des programmes", a expliqué le président exécutif d'Airbus Guillaume Faury lors d'une conférence téléphonique.

Ces charges sont donc "principalement liées à des hypothèses révisées sur les calendriers, la charge de travail, les sources d'approvisionnement, les risques et, enfin, les coûts sur toute la durée de vie" des programmes, a-t-il ajouté.

L'activité spatiale d'Airbus a représenté l'an passé environ 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur les 65,4 milliards réalisés par le groupe.

Avions sans moteurs ___

S'agissant des avions commerciaux (73% du chiffre d'affaires l'an passé), Airbus est également confronté à une déconvenue: alors qu'il tablait sur la livraison de 800 avions cette année, soit le nombre d'avions livrés en 2018 avant que la pandémie ne torpille le secteur aéronautique, il prévoit désormais de n'en livrer que 770 en raison de difficultés persistantes de sa chaîne de fournisseurs.

En 2023, il était parvenu à livrer 735 appareils. Sur les cinq premiers mois de l'année, il en a remis 256 à ses clients, douze de plus que l'an passé.

"Airbus est confronté à des problèmes spécifiques persistants au niveau de la chaîne d'approvisionnement, principalement en ce qui concerne les moteurs, les aérostructures et les équipements de cabine", selon l'avionneur. Si la pandémie s'éloigne, les fournisseurs affaiblis par la crise sanitaire, les perturbations géopolitiques, d'approvisionnement en matières premières ou composants demeurent.

"La demande reste très forte, c'est incontestable mais le chemin pour y parvenir est complexe et nous sommes ralentis par plusieurs éléments, et continuons d'être freinés par la chaîne d'approvisionnement", a déploré Guillaume Faury.

La situation s'est notamment selon lui "dégradée ces derniers mois". "Nous nous trouvons dans une situation où il manque des moteurs pour les monocouloirs chez les deux motoristes (Pratt & Whitney et CFM International, NDLR) et nous nous retrouverions avec des planeurs, des avions sans moteur, d'ici la fin du trimestre en nombre significatif" si le rythme n'était pas ralenti.

CFM International, rassemblant le français Safran et l'américain GE, fournit plus de 60% des moteurs de l'A320, l'américain Pratt & Whitney fournissant le reste.

Airbus est également confronté "depuis un moment" aux difficultés de Spirit Aerosystems, fournisseur d'éléments d'ailes de l'A320, des ailes de l'A220 ou d'un tronçon de fuselage de l'A350. Boeing souhaite réintégrer en son sein l'équipementier américain en difficulté qu'il possédait jusqu'en 2005.

Conséquence de ces moindres livraisons en 2024, Airbus est contraint de ralentir le rythme de sa montée en cadence. L'objectif de produire 75 par mois est repoussé d'un an, à 2027.

Mais il n'est pas question d'y renoncer, selon M. Faury: l'avionneur doit livrer plus de 8.500 avions commandés, dont plus de 7.100 de la famille A320.

afp/rp