Alors que le dernier Boeing 747 quittera son usine mardi, une partie de l'usine historique de gros-porteurs de la société a été affectée à la production de petits avions à réaction très demandés, ce qui correspond à un changement d'orientation de l'usine de l'Airbus A380, aujourd'hui disparu.

Ces mesures apaisent les doutes quant à l'avenir de l'usine sous-utilisée de Boeing à Everett, au nord de Seattle, le plus grand bâtiment du monde en termes de volume, et du hall d'assemblage de l'A380 Jean-Luc Lagardère à Toulouse, le deuxième plus grand au monde en termes d'espace utilisable.

L'activité industrielle d'Everett a également été fortement réduite par la décision de transférer la production du 787 sur une seule base en Caroline du Sud, en raison d'une baisse de la demande de gros avions. Le 737, plus petit, sera installé dans une baie actuellement utilisée pour certains travaux restants sur le 787.

Boeing a déclaré lundi qu'il ajouterait une nouvelle ligne de production 737 MAX à Everett à la mi-2024, en complément des trois lignes déjà en place à l'usine de Renton, à 36 miles au sud.

Cette annonce intervient alors qu'Airbus est à mi-chemin de l'installation d'une nouvelle ligne de production pour son avion à fuselage étroit A321neo, qui connaît un grand succès, dans le bâtiment déserté de Lagardère. L'entreprise a également annoncé son intention d'agrandir une usine en Alabama.

Alors qu'elles servaient exclusivement de forteresses dans la guerre économique pour les gros avions à deux couloirs, ces usines colossales vont devenir une ruche industrielle pour les modèles monocouloirs rentables, reflétant l'essor de la demande pour les voyages courts et moyens.

Selon les analystes, la décision de Boeing témoigne de sa confiance dans la demande, y compris celle de la Chine, malgré les récentes tensions commerciales.

Ils ont toutefois noté que les deux sites disposeront encore de capacités inutilisées, car la stratégie de production future et l'automatisation occupent une place centrale dans le duopole du marché des avions à réaction, avant les nouvelles commandes ou les nouveaux modèles d'avions.

"À ce stade de l'évolution de l'industrie, en l'absence de nouveaux programmes dans un avenir proche, la stratégie de production passe au premier plan", a déclaré Jerrold Lundquist, consultant en aérospatiale et directeur général du Lundquist Group.

DÉCLARATION" À AIRBUS ET AUX INVESTISSEURS

Pendant des années, Airbus et Boeing ont fait jeu égal sur le marché des monocouloirs, qui génère le plus de liquidités. Mais Airbus a pris une nette avance grâce aux fortes ventes de l'A321neo et à la crise de sécurité du 737 MAX, dont Boeing se remet à peine.

Boeing a pour objectif initial de faire passer sa production mensuelle de monocouloirs de 30 à 50, tandis qu'Airbus souhaite aller jusqu'à 75 contre 45 environ, bien que les analystes s'interrogent sur la rapidité avec laquelle cela pourra se faire.

Mais il est essentiel de réduire l'écart pour préserver la principale vache à lait de Boeing et renforcer la plateforme pour les lancements futurs.

"Boeing ne veut pas se retrouver dans une situation où Airbus passerait à 70 et resterait bloqué à 50. Ils veulent avoir la possibilité d'égaler ce que fait Airbus", a déclaré l'économiste Adam Pilarski, premier vice-président de la société de conseil AVITAS.

"Il s'agit donc d'une déclaration très importante (pour Airbus) : Nous n'allons pas nous retirer du marché", a-t-il ajouté.

Boeing n'a pas souhaité s'étendre sur l'annonce de lundi. Airbus s'est refusé à tout commentaire.

La décision de Boeing est également considérée comme une tentative de renforcer son attrait pour les investisseurs, dont certains ont exprimé des craintes de dérive après que le directeur général Dave Calhoun a exclu le lancement d'un nouvel avion au cours de la prochaine décennie - même si de nombreux analystes reconnaissent qu'il est financièrement et technologiquement judicieux d'attendre.

"C'est une façon pour Calhoun de signaler : ne comptez pas sur nous, nous sommes là pour le long terme", a déclaré M. Lundquist.

Boeing n'a pas précisé comment la ligne serait conçue, mais on s'attend à ce que les deux entreprises saisissent l'occasion de tester l'automatisation la plus récente dans une partie du marché où les coûts unitaires sont critiques.