Milan (awp/afp) - Fin 2014, Alitalia semblait tirée d'affaire avec l'entrée à son capital de la compagnie aérienne émiratie Etihad. Mais deux ans plus tard, elle continue de s'enfoncer dans la crise, cherchant désespérément un nouveau modèle pour tenter d'enrayer ses pertes.

Alitalia a "une position concurrentielle très faible. Elle est un peu prise entre le marteau et l'enclume, entre d'un côté les low cost et de l'autre les compagnies du Golfe offrant un service plus haut de gamme", explique à l'AFP Franco Quillico, professeur de stratégie à l'école Polytechnique de Milan.

Dans les années 1980-90, celle qui était alors la compagnie nationale italienne se portait pourtant comme un charme.

Ses atouts: "une très bonne marque, un bon service, surtout pour les clients premium, et la +vache à lait+ que représentait la liaison entre Milan et Rome, avec des billets aller-retour atteignant jusqu'à 500 euros en économie", souligne M. Quillico.

Mais l'apparition des low cost comme Ryanair et Easyjet, qui ont cassé les prix sur les liaisons courtes, du train à grande vitesse, qui a réduit de 6 à 3 heures le trajet entre Rome et Milan, et le développement des compagnies du Golfe (Qatar Airways, Etihad Airways, Emirates) qui offrent une très haute qualité de service, ont changé la donne.

Conséquence: Alitalia multiplie les pertes depuis de longues années, avec un pic à 580 millions en 2014.

Quand en 2014 la compagnie, au bord de la faillite, est "sauvée" par Etihad, qui prend 49% de son capital, l'espoir est grand: le groupe vise un retour à l'équilibre en 2016 et aux bénéfices en 2017.

Mais malgré l'argent investi par Abou Dhabi, les résultats ne décollent pas. Les pertes devraient ainsi encore s'élever à 460 millions en 2016 et entre 350 et 500 millions cette année.

"D'un côté, Alitalia a une structure de coûts très élevée et une série de contraintes avec le personnel, rendant difficile des restructurations" et donc la possibilité de rivaliser avec les low cost. De l'autre, "elle n'a pas les moyens de changer sa flotte" pour améliorer sa qualité de service, note M. Quillico.

"MAUVAISE GESTION"

Le patron d'Alitalia, Cramer Ball, penche depuis des semaines sur un nouveau plan stratégique, sur fond de tensions avec d'autres actionnaires, dont UniCredit et Intesa Sanpaolo. Le départ à venir du patron d'Etihad, James Hogan, semble le fragiliser encore davantage.

Alors que la presse se faisait l'écho d'un projet de 500 à 1.600 suppressions d'emplois sur quelque 12.000, le gouvernement est monté au créneau, réclamant un véritable plan avant toute discussion sur des licenciements, le ministre du Développement économique Carlo Calenda dénonçant même une "mauvaise gestion".

Alitalia a indiqué que son plan --déjà en retard puisqu'il était attendu pour tout début février--, comporterait des "changements radicaux": réduction des coûts via les salaires et la baisse des effectifs, développement du réseau long-courrier, ré-examen des accords commerciaux et approfondissement des partenariats existants.

Il pourrait se traduire par un dédoublement d'Alitalia, avec d'un côté une structure low cost pour les vols à court et moyen courrier et de l'autre les vols traditionnels. Dans un scénario extrême, la compagnie pourrait se concentrer uniquement sur le long courrier.

Le patron de Ryanair, Michael O'Leary, a proposé à Alitalia une collaboration pour lui "amener" des passagers européens souhaitant par exemple se rendre aux Etats-Unis, en vendant sur son site les billets long courrier de la compagnie italienne.

Une offre faite dans le style O'Leary: ce dernier a affirmé dans le même temps qu'Alitalia n'avait "aucune crédibilité en tant que compagnie haut de gamme" et "zéro" perspective en tant que low cost, en raison du poids des syndicats.

Inquiets des mesures à venir et du projet de la direction de réduire les salaires, avantages et jours de congés, les syndicats ont d'ailleurs appelé à la grève le 23 février et rompu les négociations sur le contrat de travail, en appelant le gouvernement à la rescousse. Dans ce contexte, selon la presse, 350 des 1.500 pilotes cherchent du travail dans d'autres compagnies.

afp/jh