Le groupe d'énergie nucléaire, qui doit normalement publier ses résultats annuels le 4 mars, précise dans un communiqué qu'il s'agit d'éléments financiers préliminaires et non audités et que les comptes de l'exercice 2014 ne seront arrêtés par son conseil d'administration que le 3 mars.

Ces éléments préliminaires font ressortir pour 2014 un résultat net consolidé part du groupe négatif de l'ordre de -4,9 milliards d'euros, contre -0,5 milliard d'euros en 2013 et une perte nette de 1,43 milliard d'euros attendu par le consensus Thomson Reuters I/B/E/S.

Selon Areva, ce déficit annoncé résulte de pertes de valeur au titre de certains actifs courants et non courants, de provisions pour pertes à terminaison et risques sur projets de construction ou de modernisation de réacteurs et sur contrats dans les énergies renouvelables, ainsi que de provisions en lien avec des évolutions dans l'application de la réglementation relative aux obligations de fin de cycle.

Areva, qui a suspendu en fin d'année dernière ses perspectives financières pour 2015 et 2016, avait déjà annoncé au début du mois prévoir de passer de nouvelles charges et dépréciations d'actifs dans ses comptes annuels.

"AUGMENTATION DE CAPITAL IMMINENTE"

En Bourse, les investisseurs préfèrent sortir d'une valeur qui pourrait être contrainte à une augmentation de capital pour faire face à ses difficultés financières.

A 12h42, le titre perd 1,46% à 9,431 euros, ramenant à 3,6 milliards d'euros la capitalisation boursière du groupe, pendant que l'indice SBF 120 grimpe de 0,22%.

Pénalisée par les interrogations entourant le groupe, l'action Areva a chuté de 52% l'an dernier, contre +0,7% pour le SBF 120.

"Areva a été forcé de publier une perte sans commune mesure. Le montant de la perte est plus élevé que la valeur de l'entreprise cotée en Bourse (...) Cet aveu forcé va pousser l'entreprise à devoir annoncer une augmentation de capital imminente", commente John Plassard, directeur adjoint de Mirabaud Securities.

"Si, officiellement, les chiffres s'expliquent par la nécessité d'Areva de réévaluer à la baisse la valeur de certains actifs, l'on comprend bien que dans ce secteur, l'entreprise n'était pas parée à l'augmentation des réglementations et des mauvais choix en termes de projets (on songe notamment au projet finlandais d'Olkiluoto3)", ajoute-t-il.

Le groupe, dont l'Etat français contrôle près de 87% du capital, n'a souhaité faire aucun commentaire au sujet d'une éventuelle augmentation de capital.

Autre piste évoquée, de possibles cessions d'actifs. Mais avec peu d'actifs non stratégiques à vendre, les marges de manoeuvre de la direction semblent limitées et les choix difficiles.

Le groupe rappelle lundi "qu'il travaille à l'élaboration d'un plan de compétitivité et d'une feuille de route stratégique et financière qui feront l'objet d'un point spécifique le 4 mars lors de la présentation des résultats annuels".

"DES COUPES DANS LES EFFECTIFS"

Dans le cadre de son futur plan stratégique, Areva envisage de filialiser ses activités liées aux nouveaux projets de centrales nucléaires à l'international ainsi qu'au traitement des combustibles usés afin d'y faire entrer EDF, a déclaré à Reuters au début du mois une source au fait du dossier.

La ministre de l'Energie Ségolène Royal a d'ailleurs estimé ce lundi que l'avenir du géant du nucléaire passait par des synergies avec EDF et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Selon Bruno Blanchon, responsable de la branche énergie atomique à la CGT, les organisations syndicales doivent rencontrer Philippe Varin, le président d'Areva, ce lundi à 16h00 à La Hague.

Interrogé par Reuters sur les conséquences des pertes d'Areva, le syndicaliste a répondu : "Ce qui filtre, ce sont des mesures pour renforcer la compétitivité de l'entreprise, c'est-à-dire des mesures d'austérité salariale et des coupes dans les effectifs. On pense plus à des mesures d'âge. Environ 20% des effectifs ont plus de 50 ans. Mais ça posera un problème de maintien des compétences."

L'annonce d'Areva intervient à la suite de la publication de plusieurs articles de presse ces dernières semaines ayant fait état des difficultés financières du géant français du nucléaire.

La semaine dernière, Le Figaro et l'Opinion ont ainsi indiqué qu'Areva pourrait faire état d'une perte de quatre milliards d'euros.

Auparavant, le Journal du Dimanche (JDD) avait avancé le chiffre de plus de trois milliards d'euros de perte pour 2014 en précisant que l'Etat ne renflouerait pas l'entreprise pour le moment.

(Avec Emmanuel Jarry et Geert De Clerq, édité par Dominique Rodriguez)

par Alexandre Boksenbaum-Granier

Valeurs citées dans l'article : EDF, AREVA