Pfizer a révélé lundi avoir soumis au début du mois de janvier une proposition de rachat de 58,8 milliards de livres (98,9 milliards de dollars ou 71,5 milliards d'euros) à AstraZeneca, ajoutant qu'une deuxième approche avait été faite le 26 avril.

Malgré un nouveau rejet de l'ouverture de discussions, le titre AstraZeneca continue de caracoler en tête des hausses à Londres, gagnant 16,24% à 47,41 livres à 14h40, de loin la plus forte hausse de l'indice Stoxx 50, après un record à 47,92. De son côté, l'indice regroupant les valeurs pharmaceutiques européennes prenait 2,25% tandis qu'à Wall Street, Pfizer progressait de 1,5% en avant-Bourse.

Un éventuel rachat d'AstraZeneca par Pfizer constituerait la plus importante acquisition d'une firme britannique par un groupe étranger et l'une des plus grosses opérations de croissance externe dans l'histoire de la pharmacie.

La semaine dernière, la presse britannique avait rapporté que Pfizer avait mis sur la table 60 milliards de livres sterling.

Dans un communiqué, Pfizer précise qu'AstraZeneca a refusé à chaque fois d'entamer des négociations, le groupe américain soulignant qu'il passe en revue ses options.

Réagissant aux déclarations de Pfizer, AstraZeneca a dit avoir réfléchi à la possibilité d'ouvrir des négociations, tout en précisant avoir jugé que cela n'en valait pas la peine en l'absence de proposition concrète et attrayante.

Il appelle ses actionnaires à ne pas répondre à toute tentative d'approche de Pfizer, disant que la réussite de son plan d'entreprise se traduirait pour eux par une création de valeur "significative".

PFIZER EN CONTACT AVEC LE GOUVERNEMENT

La première proposition de Pfizer, soumise le 5 janvier au conseil d'AstraZeneca, était un mélange de numéraire et d'actions et représentait 46,61 livres par action - une prime de 30% par rapport au cours de Bourse de l'époque.

Pfizer souligne étudier une nouvelle transaction, qui offrirait une prime significative aux actionnaires d'AstraZeneca.

Mais comme le titre AstraZeneca a progressé, avant même le bond de lundi, de plus de 14% depuis le début de l'année, avec notamment une hausse de 8% la semaine dernière, toute nouvelle offre de Pfizer pourrait être largement au-dessus de la barre des 100 milliards de dollars.

"A mon avis la proposition de Pfizer pourrait monter jusqu'à 50-55 livres (par action)", juge Dan Mahony, gérant chez Polar Capital qui détient des actions AstraZeneca. "Je ne pense pas que Pfizer optera pour une offre hostile."

Au cours de clôture de 40,80 livres de vendredi, la valorisation boursière d'AstraZeneca était de 51,5 milliards de livres (86,5 milliards de dollars).

En vertu de la législation boursière britannique, le groupe américain a jusqu'au 26 mai pour annoncer son intention de soumettre une offre ferme ou renoncer.

En rachetant AstraZeneca, Pfizer mettrait la main sur un portefeuille prometteur d'immunothérapies, des traitements expérimentaux du cancer qui renforcent le système immunitaire pour mieux lutter contre les tumeurs.

Acheter une entreprise étrangère est en outre pertinent d'un point de vue fiscal pour Pfizer. L'entreprise a en effet accumulé des dizaines de milliards de dollars via ses filiales à l'étranger, sommes qui, rapatriées aux Etats-Unis, seraient lourdement imposées.

Après le rejet de sa démarche par AstraZeneca, Pfizer a dit être en contact avec le gouvernement britannique au sujet de son projet, ajoutant que le rachat de l'entreprise se traduirait par l'injection de quelque 100 milliards de dollars dans l'économie du pays.

Pfizer a également dit que le rachat d'AstraZeneca aurait un effet relutif sur son bénéfice par action dès la première année.

LE M&A EN ÉBULLITION DANS LA PHARMACIE

Pfizer a l'habitude de réaliser des acquisitions de grande taille, celle de Wyeth en 2009 pour 68 milliards de dollars étant la dernière en date.

Selon Ian Read, directeur géneral de Pfizer, le rachat d'AstraZeneca renforcerait aussi bien le segment médicaments innovants du groupe que celui des produits plus établis.

Ce dernier pôle, estiment des analystes financiers, devrait à terme être scindé, conformément à la tendance des géants du secteur de ne conserver que les segments d'activité les plus rentables, qui explique en partie la vague de fusions et acquisitions de ces derniers mois dans la pharmacie.

Novartis a ainsi annoncé la semaine dernière qu'il rachèterait les produits d'oncologie de GSK pour 14,5 milliards de dollars tout en lui cédant ses activités dans les vaccins, hors grippe, pour 7,1 milliards de dollars auxquels s'ajouteront des redevances.

En plus de ces transactions avec son concurrent britannique, Novartis a annoncé la cession de sa division de santé animale à Eli Lilly pour environ 5,4 milliards de dollars.

La concentration dans la pharmacie est également le fait d'une course à la taille aussi bien des fabricants de génériques que des laboratoires très spécialisés, le dernier exemple en date étant l'offre de quelque 47 milliards de dollars du canadien Valeant Pharmaceuticals sur l'américain Allergan, fabricant, entre autres, de l'anti-rides Botox.

Depuis le début de l'année, le montant des fusions acquisitions annoncées dans le secteur de la pharmacie atteint 153 miliards de dollars.

(Benoit Van Overstraeten et Véronique Tison pour le service français, édité par Exbrayat Wilfrid)

par Ben Hirschler

Valeurs citées dans l'article : Pfizer Inc., AstraZeneca plc