Paris (awp/afp) - La Banque de France a abaissé lundi sa prévision de croissance pour la France au premier trimestre, dans un contexte de ralentissement de l'activité au niveau mondial, qui risque d'entraîner un dérapage du déficit public plus élevé que prévu en 2019.

Selon l'institution monétaire, la progression du produit intérieur brut (PIB) devrait plafonner à 0,3% entre janvier et mars. Ce chiffre est en baisse de 0,1 point par rapport à une première estimation publiée le 11 février. Il est également inférieur à la prévision de l'Insee, qui table sur 0,4% de croissance.

Cette révision à la baisse intervient alors que la Banque centrale européenne a fortement assombri la semaine dernière ses prévisions économiques pour la zone euro: la BCE n'attend plus que 1,1% de croissance en moyenne cette année chez les 19 pays utilisant la monnaie commune, contre 1,7% auparavant.

Dans la foulée, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a annoncé que son institution allait rogner son hypothèse de croissance pour l'Hexagone à l'occasion de ses prévisions pluriannuelles, qui seront publiées jeudi

Le révision sera "limitée", a toutefois prévenu M. Villeroy de Galhau, selon qui la croissance française est actuellement "plus résiliente" que celle de ses partenaires européens -- et notamment que la croissance allemande.

Selon la Banque de France, qui se base pour son estimation trimestrielle sur son enquête de conjoncture auprès des chefs d'entreprise, l'activité est en effet restée globalement bien orientée en France le mois dernier.

La production a ainsi rebondi dans le secteur industriel, en raison notamment de bons résultats dans les produits informatiques, la chimie et les machines et équipements, et de carnets de commandes qui "se stabilisent".

L'activité a également accéléré dans les services, portée par le transport et les activités de conseil, et dans le bâtiment, où les chefs d'entreprise s'attendent à une évolution favorable en mars, selon la Banque de France.

déficit à 3,4%?

"L'économie française résiste mieux" au "trou d'air" actuellement traversé par la croissance mondiale, a insisté la semaine dernière François Villeroy de Galhau, qui avance "deux raisons" pour expliquer ce phénomène.

"La première, c'est qu'elle est moins exposée au commerce international que l'Allemagne et l'Italie", fortement dépendantes de leurs exportations. La seconde, "c'est qu'il y a beaucoup de pouvoir d'achat aujourd'hui dans l'économie française", a détaillé le gouverneur.

L'économie française devrait en effet profiter à plein cette année des 10 milliards d'euros de mesures d'urgence décidées face au mouvement des "gilets jaunes", susceptibles -- selon l'OFCE -- de doper la croissance hexagonale de 0,4 point de PIB.

"Mais il y a aussi les augmentations salariales" et "l'effet différé des créations d'emplois fortes des trois dernières années", l'économie française ayant créé entre 2016 et 2018 "770.000 emplois nets", a détaillé François Villeroy de Galhau.

Une analyse partagée par Hélène Baudchon, économiste de BNP Paribas. "La politique budgétaire du gouvernement devrait permettre à la France de mieux résister que ses voisins au ralentissement mondial", d'autant que "le modèle économique français est très tourné vers la demande intérieure", observe-t-elle.

Selon l'OCDE, la croissance devrait atteindre 1,3% cette année en France, soit 0,2 point de moins qu'en 2018 (1,5%). Ce chiffre est largement supérieur à celui attendu en Allemagne (0,7%) et en Italie, où l'OCDE s'attend à une récession (-0,2%).

Pas de quoi crier victoire pour autant pour le gouvernement. Dans son projet de budget pour 2019, présenté en septembre, ce dernier avait prévu une croissance de 1,7% cette année -- un chiffre sur lequel Bercy comptait pour limiter le déficit public, attendu à 3,2% du PIB.

"Si la croissance est moins élevée que prévu, le dérapage sera mécaniquement plus important", prévient Hélène Baudchon, qui anticipe un dérapage à 3,4%, soit bien au-delà des 3% exigés par les traités européens.

"3,2%, c'est de moins en moins crédible", abonde François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes. "Le gouvernement promet un dérapage limité, mais on risque d'être rapidement confronté à un sérieux problème de finances publiques", ajoute-t-il.

afp/jh