LA HAVANE, 21 décembre (Reuters) - Depuis l'annonce d'une normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba, les producteurs de cigares cubains, considérés par nombre d'amateurs comme les meilleurs du monde, tardent de partir à la conquête d'un marché qui leur était fermé depuis le blocus commercial imposé en 1962.

"Les Américains !", s'enthousiasme Milagros Diaz, qui roule des cigares depuis 48 ans et travaille aujourd'hui dans une manufacture pour touristes de l'Hotel Nacional à La Havane.

"Ils n'ont plus peur, poursuit-elle. Je suis super heureuse parce qu'à 67 ans, je pensais ne jamais voir de relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Nous pensons que nous allons vendre plus de cigares, et ce n'est que le début."

Les cigares cubains font partie intégrante de la culture de l'île depuis des siècles. En 1492 déjà, le navigateur Christophe Colomb observait des Amérindiens fumant des feuilles roulées de tabac. Et les "habanos", ou "puros", sont indissociablement liés à l'imagerie de la révolution de 1959. Fidel Castro, jusqu'à ce qu'il cesse de fumer en 1985, était un adepte du lancero, un cigare long et fin.

Mais du fait de l'embargo commercial décrété par Washington en février 1962, les manufactures cubaines qui produisent entre autres les marques Cohiba, Montecristo et Partagas n'ont pu mettre le pied sur un marché qui a importé l'an dernier 318 millions de cigares haut de gamme, roulés à la main.

En annonçant mercredi qu'il avait engagé un processus historique de normalisation des relations avec La Havane, Barack Obama a précisé que les Américains auraient désormais plus de facilité à voyager à Cuba.

Dans un premier temps, ils pourront ramener l'équivalent de 100 dollars d'alcool et de tabac. Et cette limite sera encore assouplie.

"Les cigares cubains sont prestigieux, ce qui les rend plus désirables. Tout le monde va vouloir essayer", estime David Weiss, le propriétaire de la Lone Wolf Cigar Company qui possède deux boutiques et un fumoir de dégustation à Santa Monica et Los Angeles. Il relève cependant que les "habanos" vont devoir affronter la concurrence des cigares de la République dominicaine et du Nicaragua.

L'exportation massive de cigares vers les Etats-Unis va dépendre de la levée de l'embargo, qui se jouera au Congrès des Etats-Unis, ou d'une directive spécifique d'Obama, qui peut leur octroyer une dérogation.

Mais sans attendre, tout le secteur s'enflamme. Le gouvernement cubain estime même que la levée de l'embargo sur les "habanos" et sur le rhum pourrait générer chaque année plus de 200 millions de dollars de recettes publiques supplémentaires. Une manne bienvenue au moment où l'allié vénézuélien, fragilisé par la chute des cours du pétrole, a du mal à soutenir l'économie cubaine. (Daniel Trotta; Henri-Pierre André pour le service français)