(Répétition actualisée d'une dépêche transmise vendredi)

* La hausse de l'euro complique la stratégie de la BCE

* L'inflation reste faible en zone euro comme aux USA

* Le Livre beige de la Fed également à surveiller

* La bonne tenue des résultats du T2 en soutien pour les actions

par Marc Angrand

PARIS, 4 septembre (Reuters) - Après deux mois d'été animés par les tensions géopolitiques autour de la Corée et les turbulences politiques à Washington, les marchés se préparent à revenir aux fondamentaux avec la réunion de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), confrontée à des choix que la vigueur de l'euro rend plus délicats encore.

Le sixième essai nucléaire nord-coréen et les multiples réactions qu'il a suscitées dimanche () risquent de peser sur la tendance en début de semaine avant de céder la place aux interrogations sur les politiques monétaires.

Le Conseil des gouverneurs de la BCE laissera sans aucun doute les taux d'intérêt inchangés jeudi mais il n'est pas impossible qu'il profite de l'occasion pour préciser ses intentions en matière de réduction de ses achats de titres, avec une nouvelle étape attendue pour début 2018.

L'opinion des investisseurs sur ce point a toutefois évolué: près des trois quarts des économistes interrogés fin août par Reuters ont prédit que la BCE attendrait octobre pour annoncer la modification de son programme d'assouplissement quantitatif ("quantitative easing", QE), alors qu'en juillet, plus de la moitié tablaient sur une décision dès septembre.

Trois personnes proches des débats en cours au sein de la BCE ont par ailleurs expliqué à Reuters que la hausse de l'euro préoccupait de plus en plus de responsables de l'institution.

La monnaie unique a atteint le 29 août son plus haut niveau depuis janvier 2015 face au dollar, contre lequel elle affiche désormais un gain de 13% depuis le début de l'année. Face à la livre sterling, elle s'est appréciée de 8% et face au yen de 6,4%. De quoi remettre en cause un certain nombre des scénarios évoqués ces derniers mois sur l'évolution de la politique monétaire.

EURO FORT, INFLATION FAIBLE

"Les spéculations du marché concernant un 'durcissement' de la politique de la BCE (tapering) ont été alimentées par les surprises positives sur la reprise européenne, poussant l'euro à la hausse", expliquent les économistes d'Oddo dans une note.

"Or, cette conclusion ne va pas de soi dans la mesure où les anticipations d'inflation – qui constituent le véritable objectif de la BCE – n'ont pas rebondi. On peut même s'attendre à ce que la hausse de l'euro retarde le retour de l'inflation vers sa cible de 2%."

Même si les indicateurs américains meilleurs qu'attendu publiés ces derniers jours ont permis un rebond du dollar face à l'euro, la BCE devra donc tenir compte de la vigueur de la monnaie unique dans les nouvelles prévisions d'inflation qu'elle dévoilera jeudi.

Société générale n'exclut pas que la banque centrale abaisse de 0,3 point ses prévisions d'inflation pour 2018 et 2019, ce qui les ramènerait à 1,0% et 1,3% respectivement, compliquant la tâche de la BCE en la contraignant à "une position plus modérée qu'anticipé récemment par les marchés".

De son côté, ING juge peu probable que Mario Draghi tente d'influencer directement le marché des changes.

"La BCE sait qu'évoquer des arguments aptes à faire baisser l'euro ne fonctionnerait qu'à la condition qu'elle puisse enchaîner avec des décisions concrètes allant dans le même sens, ce qui est improbable au moment où elle évolue progressivement vers la réduction de ses achats", explique la banque.

Compliquée par l'euro fort et l'inflation lente, la position de la banque centrale l'est aussi par les échéances politiques européennes, avec les élections allemandes du 24 septembre, les autrichiennes du 15 octobre et le scrutin à venir en Italie.

CONFIANCE MAINTENUE DANS LES ACTIONS EUROPÉENNES

Le futur "tapering" de la BCE devrait en tout cas rester l'une des principales préoccupations des investisseurs au cours des prochains mois, même si la plupart des observateurs écartent le risque d'un nouveau "taper tantrum", ce mouvement brutal de remontée des rendements obligataires et de baisse des marchés actions émergents déclenché en 2013 par les premiers propos de Ben Bernanke sur la fin du QE de la Réserve fédérale américaine.

La Fed, justement, publiera mercredi son "Livre beige", le rapport économique qui alimentera les débats de sa réunion des 19 et 20 septembre. Elle devrait prendre acte de la bonne santé de l'économie - confirmée ces derniers jours par les chiffres de la croissance au deuxième trimestre - mais aussi de la faiblesse persistante de l'inflation, qui risque de perdurer au vu de la faiblesse de la progression des salaires.

L'indice des prix PCE, le plus surveillé par la banque centrale américaine n'a enregistré en juillet, hors éléments volatils, qu'une progression de 1,4% sur un an, la plus faible depuis décembre 2015. Quant au salaire horaire moyen, il n'a augmenté que de 0,1% en août, deux fois moins qu'attendu.

La croissance de l'économie américaine et donc l'évolution de la politique monétaire de la Fed pourraient en outre être affectées par les conséquences de la tempête tropicale Harvey qui a balayé le Texas et la Louisiane.

Pour les marchés actions, la bonne tenue de la croissance aux Etats-Unis et surtout dans la zone euro reste le principal moteur de la hausse, qui ne semble pas remise en cause par les turbulences des dernières semaines, qu'il s'agisse des incertitudes sur la Corée du Nord ou des doutes sur la capacité de l'administration Trump à passer sans casse le cap délicat de la fin septembre, le terme de l'année budgétaire aux Etats-Unis, avant lequel le plafond de la dette pourrait être atteint.

A quelques accidents près (comme Carrefour ou WPP ), la saison des résultats qui s'achève a été bonne, avec une progression de 16% des profits trimestriels du Stoxx 600 selon les données Thomson Reuters, et de 12,1% pour le Standard & Poor's 500.

Le passage à vide de l'été (sur juillet-août, l'indice européen Stoxx 600 a perdu 1,43%, le CAC 40 à Paris 0,7% et le Dax à Francfort 2,19%) pourrait même fournir des opportunités d'achat, estiment certains.

"Lorsque les cours retombent de quelques points de pourcentage, les participants au marché réinvestissent en profitant de ces intéressants points d'entrée. Nous nous attendons à ce que ce mécanisme fonctionne de nouveau cette fois-ci", explique ainsi Swiss Life.

La hausse de l'euro, encore elle, pourrait toutefois freiner la tendance des résultats au troisième trimestre: UBS estime que toute appréciation de 10% de l'euro en données pondérées des échanges risque d'amputer les bénéfices des sociétés cotées de 5% à 6%.

(Marc Angrand, édité par Blandine Hénault)