Paris (awp/afp) - Le cours de Bourse de Carrefour avait bondi quand l'intérêt du canadien Couche-Tard avait été connu, il est retombé lundi au niveau connu précédemment, même si des partenariats sont à l'étude, alors que certains soulignent l'attrait retrouvé d'un groupe en redressement.

Cours de clôture mardi 12 janvier, veille des révélations sur des discussions avec Couche-Tard: 15,47 euros. Cours à l'ouverture lundi 18 janvier, après que les deux groupes ont annoncé interrompre ces discussions: 15,48 euros. A 14H00, l'action Carrefour valait 15,50 euros.

Tout ça pour ça? En Bourse en tout cas, le distributeur français semble avoir retrouvé son train-train quotidien, malgré les annonces samedi soir sur des "partenariats opérationnels" sur l'achat en commun ou la distribution de carburant, à l'étude avec Couche-Tard.

"La prime de fusion a disparu", commente Laurent Le Grin, directeur général de Degroofpetercam, auprès de l'AFP. Il faut dire que le gouvernement français n'a pas laissé d'ouverture aux deux groupes, opposant à tout projet de rapprochement un non "courtois, mais clair et définitif", pour reprendre les termes du ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

"Clairement, l'opération est stoppée", ont estimé lundi les analystes d'UBS. Mais ils se montrent plus nuancés, estimant que l'ambition des deux distributeurs de développer une relation de long terme "laisse ouverte la possibilité d'une opération dans le futur"... A condition que le gouvernement "adoucisse ses positions", notamment quand la France sortira la tête de l'épidémie de Covid-19, rendant l'enjeu de la sécurité alimentaire moins prégnant. Et une fois passées les prochaines échéances électorales, le sort du "premier employeur privé" de France revêtant une forte dimension politique.

Les autorités canadiennes se sont montrées bruyamment favorables à cette éventualité, le ministre canadien de l'Industrie François-Philippe Champagne estimant dimanche que "le commerce bilatéral profite aux entreprises des deux côtés de l'Atlantique".

Pour le spécialiste de la distribution française Olivier Dauvers, l'intérêt de Couche-Tard a en tout cas permis de rendre Carrefour "(re)désirable". D'autres observateurs estiment que les investisseurs ont désormais Carrefour dans leur radar, et que l'opération, quoique avortée, témoigne du redressement d'un groupe longtemps en difficulté.

Questions sur Couche-Tard

Depuis l'arrivée à sa tête d'Alexandre Bompard, le groupe a entrepris de faire évoluer son modèle économique au travers de choix compliqués, sortant de Chine, accélérant au Brésil ou en Espagne, se renforçant sur le bio avec pour ambition "de devenir un leader mondial de la grande distribution", le leitmotiv d'un plan stratégique à échéance 2022.

Carrefour, qui a récemment racheté le distributeur spécialisé Bio C'Bon contre 60 millions d'euros, avait présenté des résultats meilleurs qu'attendu au le troisième trimestre 2020, réalisant même, selon son PDG sa meilleure progression de ventes "depuis au moins 20 ans". De quoi refléter, toujours selon Alexandre Bompard, "l'excellente dynamique en cours dans le groupe".

Cette progression est-elle structurelle, ou découlait-elle de la fermeture des restaurants et cantines pour cause de Covid-19? Les résultats annuels de Carrefour doivent être publiés le 18 février prochain, indique-t-il sur son site internet.

En attendant, certains analystes phosphorent déjà sur un rapprochement, franco-français cette fois, avec le grand rival Casino. "Peut-être que les pourparlers entre Carrefour et Couche-Tard vont précipiter ces discussions", relativise Laurent Le Grin, mais "le rapprochement n'est pour l'instant pas anticipé par le marché". Il serait plus problématique pour l'emploi, vu le maillage serré des deux entreprises en France.

Finalement, la situation semble presque plus délicate pour Couche-Tard, fleuron canadien qui pourrait avoir perdu quelques plumes dans cette opération express. "Jusqu'à présent, leur stratégie était de dire que malgré la transition énergétique, l'essor des voitures électriques, leur business a un avenir en dépit de leur exposition aux stations essence", expliquait vendredi un analyste financier ayant demandé l'anonymat.

Or, un rapprochement avec Carrefour répondrait à l'idée "de diluer le poids des ventes de stations essence", preuve que le modèle n'est peut-être pas si pérenne, observait la même source. Le distributeur canadien, qui réalise 70% de son chiffre d'affaires par la vente d'essence, doit s'exprimer lundi avant l'ouverture des marchés outre-Atlantique.

afp/rp