* Les réductions d'effectifs et les cessions se font attendre

* Les autorités et les investisseurs s'impatientent

* L'amende américaine accroît la pression sur la direction

par Arno Schuetze et Kathrin Jones

FRANCFORT, 10 octobre (Reuters) - Alors que le groupe est menacé d'une très lourde amende aux Etats-Unis, les dirigeants de Deutsche Bank sont en train de réévaluer certains volets du plan stratégique présenté il y a un an mais dont la mise en oeuvre se fait attendre, a-t-on appris de plusieurs sources proches du dossier.

La réorganisation dévoilée en octobre 2015 par John Cryan, président du directoire alors en poste depuis quelques mois seulement, vise à réduire les coûts en diminuant les effectifs et en cédant certaines activités non-stratégiques.

Mais un an plus tard, les effectifs sont pratiquement inchangés et le futur modèle économique de la première banque allemande reste flou, laissant un sentiment d'inachevé qui irrite certains actionnaires et force l'équipe dirigeante à chercher de nouvelles solutions.

"Il y aura des modifications, qui seront probablement décidées pendant ce trimestre", a dit une source. "Elles concerneront des domaines dans lesquels la banque ne gagne pas d'argent."

Fait inhabituel, la semaine dernière, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, est allée jusqu'à s'interroger publiquement sur le modèle économique de Deutsche Bank en l'exhortant à "décider quelle taille elle veut avoir".

DES EFFECTIFS QUI AUGMENTENT AU LIEU DE SE RÉDUIRE

Ces préoccupations et la chute du cours de Bourse de l'action Deutsche Bank à des plus bas historiques obligent la direction à revoir une stratégie qui ne convainc à l'évidence ni les investisseurs, ni les autorités allemandes.

Alors que le plan de réorganisation prévoyait la suppression de 9.600 postes, les effectifs du groupe, à plus de 101.300 personnes au début de l'été, étaient supérieurs à ceux de 98.600 enregistrés un an plus tôt.

"Il y aura davantage de postes supprimés", a déclaré une autre source proche de la banque. Mais deux autres personnes ont expliqué que le coût élevé des indemnités de départ et la crainte de perdre des parts de marché dans certains domaines n'incitaient pas la banque à sabrer dans les effectifs.

"La réorientation de Deutsche Bank est sans aucun doute une tâche gigantesque et elle prendra du temps", commente Pascal Boeuf, de Woodman Asset Management.

L'autre grand volet du plan porte sur les cessions d'actifs, censées inclure entre autres la filiale de banque de détail Postbank. Mais cette vente a elle aussi du plomb dans l'aile, faute d'intérêt suffisant chez les repreneurs potentiels, au point que la direction ne pense plus la boucler avant 2019, juste à temps pour qu'elle permette au groupe de respecter les nouvelles exigences de fonds propres.

Deutsche Bank a aussi pris des mois de retard dans la cession de sa participation dans l'assureur chinois Hua Xia. La Banque centrale européenne (BCE) a accepté cet été de prendre en compte cette cession dans ses tests de résistance. Pourtant, trois mois plus tard, l'opération n'est toujours pas bouclée même si le groupe allemand assure qu'elle le sera avant la fin de l'année.

UNE FUSION, SOLUTION IDÉALE MAIS PEU PROBABLE

En l'absence de ces cessions, l'actif global du groupe s'élevait à 1.800 milliards d'euros fin juin, un montant en hausse d'environ 6% sur un an, ce qui a déçu les analystes.

Face à la déception que suscite la lenteur des changements promis, John Cryan a décidé de réagir. Et même si le dossier de l'amende américaine a accaparé ces dernières semaines l'attention de l'équipe dirigeante, celle-ci s'emploie progressivement à relancer la restructuration.

Cet effort devrait se traduire d'ici la fin de l'année par une série de cessions portant sur une vingtaine d'activités, a dit une source proche du dossier.

Des changements plus spectaculaires ne sont pas à exclure, disent plusieurs sources. Certains investisseurs ont de fait appelé récemment Deutsche Bank à envisager une fusion avec un autre acteur européen du secteur, qu'il s'agisse de Commerzbank ou d'une grande banque française ou espagnole.

Une source gouvernementale a estimé que la solution idéale pour l'Allemagne à long terme serait une fusion Deutsche Bank-Commerzbank.

Mais dans l'immédiat, la probabilité d'une telle opération d'envergure, en Allemagne ou à l'échelle européenne, semble faible. Interrogés sur le sujet par Reuters, de hauts dirigeants de deux grandes banques d'Europe continentale ont relativisé la crédibilité d'un tel scénario. (Marc Angrand pour le service français)