(Enlève référence erronée, § 12)

* De nombreux réacteurs auront bientôt 40 ans

* Délai trop court pour construire des réacteurs

* "Non besoin" de 20 réacteurs dans un scénario à 50% de nucléaire

par Marion Douet et Michel Rose

PARIS, 28 mars (Reuters) - La France n'aura pas le temps de construire de nouveaux réacteurs si les centrales actuelles ferment après 40 ans d'activité, entraînant la réduction rapide du poids du nucléaire promise par François Hollande, disent des experts.

D'ici 2025, environ la moitié des 58 réacteurs opérés par l'électricien français EDF auront atteint 40 ans et devront fermer au fil des ans en cas de non prolongement, provoquant un "effet falaise" sur la production d'électricité.

L'exploitation des centrales nucléaires jusqu'à 50 ans serait "inévitable" pour lisser cette chute brutale de la production, estime Jacques Repussard, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

"C'est ça l'enjeu du grand carénage et de la volonté d'EDF de préserver le parc actuel pour limiter cet effet falaise, qui est très dangereux. Puisqu'on ne peut pas remplacer 20 réacteurs par an, ou même 2 ou 3 par an, il faut absolument lisser cette baisse", a-t-il souligné dans une interview à Reuters.

Le "grand carénage" est un vaste programme d'investissements d'EDF de 55 milliards d'euros jusqu'en 2025, qui doit notamment préparer les centrales à fonctionner plus de 40 ans.

Mais l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) répète que cette prolongation n'est pas acquise. Le gendarme du nucléaire donnera un premier avis l'année prochaine, mais ne se prononcera pas de manière plus détaillée avant 2018.

"Il y a un problème, c'est la prise de décision : est-ce qu'on va ou pas vers un parc nucléaire bis ? Cela se prépare", ajoute Jacques Repussard, précisant que ces décisions prennent "des années".

Exemple de ces contraintes de calendrier, les travaux de construction de l'EPR de Flamanville, entamés en 2006, accusent plusieurs années de retard et ont vu leur coût enfler.

"LA RÉPONSE NE SERAIT PAS NUCLÉAIRE"

Interrogé récemment sur ce sujet, EDF, qui se dit confiant sur sa capacité à démontrer la faisabilité d'un prolongement, confirmait que la construction de nouveaux réacteurs ne serait pas la solution dans un scénario à 40 ans.

"Si effectivement la prolongation n'avait pas lieu, clairement la réponse ne serait pas des centrales nucléaires, ce serait des centrales au gaz, quelque chose comme cela", a dit à des journalistes Dominique Minière, en charge de la production d'électricité chez EDF.

Les réacteurs nucléaires français ont massivement été construits dans les années 1970 et 1980. Première centrale du parc actuel mise en service, Fessenheim doit fermer en 2016, à la veille de son quarantième anniversaire.

En 2025, l'objectif de réduire à 50% le poids du nucléaire sera atteint si les réacteurs ferment autour de 40 ans et que la consommation reste stable, selon Yves Marignac, directeur du cabinet WISE-Paris, connu pour ses positions antinucléaires.

Selon ses calculs, le nucléaire pourrait même ne représenter que 37,5% de la production d'électricité à cette échéance, en prenant en compte la date stricte de mise en service.

"Mais l'horizon 2025 est le milieu du gué, la chute se précipite ensuite (dans un scénario à 40 ans)", dit Yves Marignac.

20 RÉACTEURS "INUTILES"?

Le gouvernement renvoie à l'ASN la question de l'allongement à 50 ans mais François Hollande a évoqué en septembre un recours à "la rente nucléaire" pour financer les énergies renouvelables, suscitant l'interrogation de nombreux observateurs.

"Aujourd'hui, deux visions s'opposent, celle défendue par (le PDG d'EDF Henri) Proglio, la vision de la rente, à celle d'une optimisation sur 40 ans", ajoute Yves Marignac, estimant que la deuxième se renforçait actuellement.

Mercredi, un responsable du ministère de l'Ecologie a estimé pour la première fois que, dans l'optique d'atteindre les 50%, la France nécessiterait entre 36 et 43 gigawatts (GW) de nucléaire, contre 63 GW actuellement.

"Ce qui veut dire qu'en termes de "non besoin", c'est une vingtaine de réacteurs", a ajouté Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) devant la commission d'enquête sur le nucléaire de l'Assemblée nationale.

Le projet de loi sur la transition énergétique, désigné par François Hollande comme l'un textes clés de son mandat, doit être présenté au premier semestre 2014.

Le texte devra notamment dire comment la France compte développer massivement des moyens alternatifs de production d'électricité, des centrales thermiques, émettrices de gaz à effet de serre, ou des énergies renouvelables, intermittentes. (Edité par Yves Clarisse)