L'électricien public discute avec l'Etat pour trouver avant la fin de l'année un moyen d'alléger le poids dans ses comptes de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), une taxe facturée à ses clients pour financer le développement des renouvelables en France.

Les hausses de cette taxe ne suffisant pas à couvrir notamment l'essor des énergies éolienne et solaire depuis 2007, selon EDF, la CSPE représente pour la société un déficit cumulé proche de 5 milliards d'euros à fin 2012, à comparer avec une dette du groupe attendue autour de 40,5 milliards selon le consensus Thomson Reuters I/B/E/S.

La compensation intégrale de ce déficit permettrait à elle seule à EDF d'atteindre son objectif de ratio d'endettement financier net sur résultat brut d'exploitation de 2,5 en fin d'année, un plafond déjà atteint au 30 juin et qui, sans solution, devrait être dépassé au 31 décembre.

"Si EDF réussit à régler cette question, ce sera un énorme soulagement", estime Emmanuel Turpin, analyste chez Morgan Stanley.

"L'enjeu pour le groupe est de stopper la hausse de cette facture (...) et d'obtenir une résorption au cours des années à venir. La contrainte, c'est que l'Etat français n'est probablement pas prêt à annoncer une forte hausse des tarifs de l'électricité pour répercuter l'augmentation de la CSPE et que la hausse devrait donc rester graduelle", ajoute-t-il.

"EDF peut accepter un remboursement sur plusieurs années mais a besoin d'un cadre qui mette ce principe noir sur blanc. On peut imaginer un accord pluriannuel qui soit concrétisé par un cadre légal."

GDF SUEZ ET TOTAL SOLLICITÉS ?

Le groupe cherche également à obtenir une compensation pour le coût de portage du déficit. Son PDG, Henri Proglio, évoquait au printemps des charges financières d'environ un milliard d'euros.

L'Etat, qui détient 84% du capital d'EDF, pourrait en outre envisager d'élargir l'assiette de la CSPE en mettant à contribution les industries pétrolières et gazières et donc potentiellement les clients de GDF Suez et Total, une solution défendue par Henri Proglio.

Au ministère de l'Energie, on indique que l'Etat veut trouver "à court terme" une solution au déficit de CSPE qui s'est accumulé dans les comptes d'EDF et que la question d'une "réforme structurelle" sera abordée dans le cadre du débat sur la transition énergétique, dont les conclusions sont attendues mi-2013.

La question des hausses de tarifs accordées par l'Etat est cependant bien plus large que celle de la CSPE, et les analystes estiment que l'électricien public va devoir limiter ses investissements pour contenir sa dette, d'autant que le groupe prévoit une année 2013 difficile qui compliquera nettement l'atteinte de ses objectifs 2011-2015.

EDF, qui prévoyait en début d'année une enveloppe d'investissements nets plafonnée à 15 milliards d'euros en 2015 contre 10,5 milliards en 2011, entend réviser cette enveloppe.

Pour Ingo Becker, analyste chez Kepler, "le gouvernement va demander à EDF de sacrifier ses investissements de croissance" et la société pourrait ainsi réduire son enveloppe autour de 12 milliards d'euros en 2015, "ce qui va bien sûr pénaliser les perspectives à moyen terme".

POSSIBLES CESSIONS HORS DE FRANCE

Selon lui, EDF ne pourra pas totalement contourner le mur d'investissements qui l'attend et son flux de trésorerie disponible devrait rester négatif jusqu'en 2015.

Les seules dépenses annuelles moyennes dans son parc nucléaire français devraient en effet atteindre 3,7 milliards d'euros pour un programme d'environ 55 milliards à réaliser entre 2011 et 2025.

Dès lors, le groupe devra certainement se résoudre à des cessions au cours des deux prochaines années pour tenir ses objectifs en matière d'endettement.

"Nous nous attendons à ce que des ventes d'actifs soient annoncées tôt ou tard, principalement (voire exclusivement) hors de France. La marge de manoeuvre pourrait facilement atteindre 20 milliards d'euros", estime Ingo Becker.

Certains analystes pensaient également il y a peu qu'EDF pourrait proposer à l'Etat un dividende en actions au titre de 2012 afin de protéger son bilan, mais cette option n'a pas été retenue pour l'acompte qui sera payé en décembre.

"Dans un contexte budgétaire tendu, on voit mal comment l'Etat serait prêt à se priver d'un dividende en cash d'au moins 1,8 milliard d'euros ou à le voir baisser", relève un analyste basé à Paris.

L'action EDF, qui a touché un plus bas historique le 19 novembre, accuse un repli de 22% depuis le début de l'année après un plongeon de 39% en 2011.

Edité par Dominique Rodriguez

par Benjamin Mallet