* "On n'a pas été assez loin", dit Macron face aux colères

* Il évoque des mesures sur l'Etat, la formation des élites

* Il promet de débattre dans toutes les régions métropolitaines (Actualisé avec suite du débat)

BOURG-DE-PEAGE, Drôme/PARIS, 24 janvier (Reuters) - Emmanuel Macron a promis jeudi que des décisions "très fortes" seraient prises à l'issue du "grand débat national", lors de son premier échange avec des "Gilets jaunes" depuis le lancement de cette initiative visant à répondre à la crise liée à ce mouvement.

Le chef de l'Etat s'est invité à un débat organisé avec des citoyens, à Bourg-de-Péage (Drôme), où il a été interpellé sur de nombreux sujets, dont le chômage, la fiscalité ou la réforme de l'Etat, et le ton est parfois monté.

"Je pense qu’on ne sortira de ce débat qu’avec des décisions très fortes, puissantes, parce qu’on en a besoin, parce que moi j’ai été porté par une partie de cette colère et qu’on n’a pas été assez loin", a-t-il dit.

"Il doit y avoir des décisions très profondes, sur l’Etat, sur nos institutions, sur notre organisation collective", a-t-il ajouté. "On doit remettre de la décision sur le terrain, on doit sortir de structures aberrantes dans lesquelles on est resté et on doit changer le mode de formation de nos élites, y compris dans l’Etat. Je suis prêt à aller jusque-là."

Emmanuel Macron, dont les sondages montrent qu'il apparaît éloigné des préoccupations des Français, a mêlé au long des échanges explications de sa politique et marques d'empathie.

Il a également haussé le ton face à des critiques, sur son passé de banquier d'affaires chez Rothschild notamment.

"Je ne suis pas un héritier, je suis né à Amiens, il n’y a personne dans ma famille qui était banquier ni politicien ni énarque. Ce que je dois, je le dois à une famille qui m’a appris le sens de l’effort (...). Et après je n’ai jamais lâché le morceau", a dit le président dont les parents étaient médecins.

"Si j’étais né banquier d’affaires vous pourriez me faire la leçon, si j’étais né avec une petite cuillère dans la bouche ou fils de politicien, vous pourriez me faire la leçon, ce n’est pas le cas, donc je peux vous regarder en face", a-t-il ajouté.

"JE PARTAGE VOTRE INDIGNATION"

Dès son arrivée, Emmanuel Macron a été interpellé par un demandeur d'emploi puis par un "Gilet jaune" qui a déploré la réforme de l'ISF et la mort chaque année dans la rue de centaines de personnes sans domicile.

Il a souligné les efforts visant à améliorer la formation pour lutter contre le chômage et s'est dit favorable à l'instauration d'un bonus-malus pour limiter le recours aux contrats courts, combattue par le patronat.

"Moi aussi, ça me fait mal", a-t-il dit à propos de la liste des personnes mortes dans la rue publiée par le quotidien La Croix. "Je partage votre indignation, la honte que vous ressentez, je la prends pour moi", a-t-il ajouté.

"On va se battre", a-t-il promis, en soulignant que deux milliards d'euros étaient consacrés à l'hébergement d'urgence.

Emmanuel Macron a précisé qu’il se rendrait dans toutes les régions métropolitaines dans le cadre de ce débat, lancé jusqu'au 15 mars, et qu'il verrait bientôt des élus ultramarins.

Lors d'une rencontre plus tôt avec des élus, à Valence, dont le président des Républicains (LR), Laurent Wauquiez, qui l'a pressé de débattre directement avec les Français, il a invité les dirigeants d'opposition à la responsabilité.

"Parfois, quand on a des responsabilités, on se défausse sur le président de la République", a dit le chef de l'Etat.

"Quand il y a cette colère dans la société, il faut lui donner un cadre", a-t-il poursuivi. "Quand un élu de la République veut jouer avec le feu, il se trompe."

L'ancien ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui avait critiqué la déconnexion présumée entre la majorité et les Français, a estimé qu'Emmanuel Macron avait "repris les choses en main" dans la crise des "Gilets jaunes".

D'autres élus se sont inquiétés des suites du "grand débat".

"S’il n’y a pas de réponses aux questions de l’injustice sociale et fiscale à la hauteur des questions (...), alors le débat aura été pire que le mal parce que la frustration et la colère des français sera immense", a dit le maire socialiste de Bourg-en-Bresse (Ain), Jean-François Debat.

Etienne Blanc, maire (LR) de Divonne-les-Bains (Ain) et candidat à la mairie de Lyon, a jugé "difficile pour le chef de l’Etat de répondre dans deux, trois ou quatre mois à la foule de questions et à leur diversité". "C’est ce qui est inquiétant, ça crée une énorme attente et je ne vois pas bien comment le gouvernement va pouvoir répondre à cette attente", a-t-il dit. (Catherine Lagrange à Bourg-de-Péage et Jean-Baptiste Vey à Paris, édité par Yves Clarisse et Danielle Rouquié)