* Les juges veulent le renvoi de Balladur et Léotard devant la CJR

* Ils estiment que Nicolas Sarkozy doit être témoin assisté

* Henri Guaino conteste que l'ex-chef de l'Etat puisse être déféré (Actualisé avec Henri Guaino)

PARIS, 7 février (Reuters) - Les juges ont demandé la saisine de la Cour de justice de la République (CJR) pour enquêter sur l'ex-Premier ministre Édouard Balladur et son ministre de la Défense François Léotard dans le volet financier de l'affaire Karachi, a annoncé vendredi un avocat des parties civiles.

Ils ont aussi estimé que les éléments de l'enquête rendaient nécessaire une audition comme témoin assisté par la CJR de Nicolas Sarkozy, qui était ministre du Budget dans le gouvernement Balladur dans les années 1990.

Henri Guaino, ex-conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, a contesté l'interprétation selon laquelle l'ex-chef de l'Etat serait déféré devant la cour de justice de la République.

"S'il est entendu, il sera entendu comme n'importe quel autre citoyen comme témoin simple. Dire qu'il va être prochainement entendu comme témoin assisté me paraît une inexactitude", a-t-il dit sur BFM-TV.

Me Olivier Morice, avocat des parties civiles, a cependant estimé que les juges ne mettaient pas l'ancien chef de l'Etat hors de cause.

"C'est une grande satisfaction pour les familles car lors du dépôt de leur plainte, le parquet s'était moqué et l'ancien président expliquait qu'il s'agissait d'une fable", a-t-il dit à Reuters.

"Aujourd'hui, on se rend compte que ce que nous dénoncions comme un scandale d'Etat est confirmé par les juges", a-t-il ajouté.

Les familles des victimes de l'attentat de Karachi, dans lequel 11 Français travaillant à la construction de sous-marins au Pakistan ont été tués en 2002, avaient exhorté début décembre les juges à se dessaisir au profit de la CJR afin que les ministres soient jugés.

Il appartient désormais au parquet, qui a donné un avis favorable, de saisir le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Claude Marin. Ce dernier décidera à son tour de transmettre ou non la saisine à la commission des requêtes de la CJR, qui se prononcera sur une éventuelle enquête.

Les investigations des juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire portent sur un éventuel financement illégal de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995.

ENTRAVES DE LA PART DE MAGISTRATS ?

Dans une première ordonnance, les magistrats se dessaisissent au profit de la CJR, seule compétente pour juger les délits commis par des membres de gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, a expliqué Me Olivier Morice.

Dans une seconde, ils estiment ne pas avoir réuni d'indices suffisamment graves et concordants et refusent d'entendre eux-mêmes Nicolas Sarkozy comme le souhaitaient les familles au cas où ils ne jugeraient pas opportun de saisir la CJR.

"Mais ils soulignent que les éléments recueillis dans l'information judiciaire nécessitent que la CJR puisse l'entendre comme témoin assisté", a affirmé Me Morice.

L'éventuelle poursuite de l'enquête par la CJR ne mettrait pas, dans cette hypothèse, Nicolas Sarkozy à l'abri d'une mise en examen ultérieure.

L'avocat affirme que les familles sont pugnaces mais prudentes, soulignant que l'ensemble des magistrats concernés à ce stade du dossier, du parquet à la cour de cassation, "ont été mis en place quand Nicolas sarkozy était président de la République." "Nous n'avons subi pendant toutes ces années que des entraves de ces magistrats", ajoute-t-il.

Saisi pour avis par les juges d'instruction, le parquet de Paris avait estimé à la mi-janvier que la CJR était compétente pour juger Edouard Balladur et François Léotard.

Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire semblent convaincus qu'une partie des commissions perçues par l'intermédiaire en armement Ziad Takieddine à la faveur de contrats signés avec l'Arabie saoudite et le Pakistan ont servi à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995 via un système de rétrocommissions.

Lors de leur enquête, ils ont découvert que 20 millions de francs (3 millions d'euros) avaient été versés sur le compte de campagne de l'ex-Premier ministre, dont 10 millions au lendemain du premier tour.

Outre Ziad Takieddine, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, deux proches d'Edouard Balladur, ainsi que l'ex-ministre UMP Renaud Donnedieu de Vabres, ont été mis en examen dans ce dossier.

(Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)