PARIS, 15 février (Reuters) - La famille française d'un Algérien détenu à Guantanamo, bien que déclaré libérable par les autorités américaines, a envoyé au ministre de l'Intérieur Manuel Valls une demande pour qu'il soit accueilli en France, annoncent ses avocats.

S'ils reçoivent une réponse négative, ou s'ils n'en reçoivent aucune dans un délai de deux mois, les défenseurs entameront une procédure devant le Tribunal administratif de Paris.

"On s'est tous indigné lorsque les Américains ont créé Guantanamo", a dit Joseph Breham, l'un des avocats de Nabil Hadjarab, détenu depuis 11 ans dans ce camp de détention, situé sur la base navale de Guantanamo, à Cuba.

"Aujourd'hui, on a une possibilité de faire quelque chose, si on ne le fait pas, on se rendra complice du crime d'inhumanité qu'est Guantanamo", a-t-il ajouté.

Arrêté en 2001 en Afghanistan, Nabil Hadjarab est détenu depuis 11 ans dans le centre de détention de Guantanamo. Aucune charge n'a été reconnue contre lui, et il a été déclaré libérable à deux reprises par les autorités américaines, selon ses avocats.

"La logique, c'est qu'on le libère, mais les Etats-Unis imposent que des Etats se portent volontaires pour accueillir tel ou tel détenu", explique un autre avocat, Sylvain Cormier.

La France a déjà accueilli en 2009 deux Algériens détenus à Guantanamo, font valoir ses avocats.

Surtout, cet Algérien de 33 ans n'a aucune attache en Algérie et toute sa famille vit en France et possède la nationalité française, soulignent-ils.

GUÉRILLA JURIDIQUE

Son père et son grand-père ont combattu aux côtés de soldats français durant la première guerre mondiale puis la guerre d'Algérie, indiquent-ils, y voyant une raison supplémentaire pour Paris de l'accueillir.

"Nous allons multiplier les recours", prévient Sylvain Cormier. "Nous allons mener une guerilla juridique afin que son dossier ne soit pas enterré".

Le Canadien Omar Khadr, dernier Occidental detenu sur la base de Guantanamo, a été rapatrié en septembre dernier dans son pays, où il doit finir de purger sa peine. Le sénateur canadien Roméo Dallaire avait notamment écrit une pétition exhortant le gouvernement à le rapatrier.

"L'expérience nous apprend que dans ce genre de cas, ce n'est pas la justice qui compte, c'est l'opinion publique", dit Cori Crider, directrice juridique de l'association de défense des droits des prisonniers Reprieve.

Une pétition a été lancée par son oncle.

Sur les 50 détenus de Guantanamo que l'association a contribué à faire libérer, un seul l'a été suite à la décision d'un juge, dit-elle.

Lors de sa prise de fonctions en 2009, Barack Obama avait promis de fermer dans l'année ce centre de détention pour terroristes présumés, créé après les attentats du 11 septembre, et qui compte actuellement 166 détenus.

La récente mutation de l'ambassadeur Dan Fried, qui était chargé de la fermeture du centre, a relancé les doutes quant à cet engagement de l'administration Obama. (Chine Labbé, édité par Gérard Bon)