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par Giulia Paravicini et Stanys Bujakera

KINSHASA, 20 janvier (Reuters) - La Cour constitutionnelle a confirmé dimanche matin la victoire de Félix Tshisekedi à l'élection présidentielle du 30 décembre en République démocratique du Congo (RDC), une décision immédiatement contestée par un autre candidat d'opposition, Martin Fayulu, qui s'est auto-proclamé président du pays.

L'élection doit ouvrir la voie à la première transition pacifique du pouvoir dans l'histoire de la RDC dont le président sortant, Joseph Kabila, en place depuis 2001, avait décidé de ne pas se représenter en application des dispositions sur la limitation des mandats présidentiels.

Selon les résultats annoncés le 10 janvier par la Commission électorale nationale (Céni), Félix Tshisekedi a remporté l'élection avec 38,57% des suffrages devant Martin Fayulu et le candidat choisi par Joseph Kabila, l'ancien ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary.

Mais ces résultats ont été contestés par Martin Fayulu, qui accuse le gouvernement de Kabila et Félix Tshisekedi, soutenu par l'ancien président de l'Assemblée nationale Vital Kamerhe, d'avoir conclu un accord en vue d'un partage du pouvoir.

L'équipe de campagne de Fayulu affirme que l'ancien dirigeant d'Exxon Mobil a recueilli 61,51% des voix contre seulement 18,86% pour Tshisekedi.

La plainte pour fraude déposée par Fayulu devant la Cour constitutionnelle a été considérée comme "irrecevable", a déclaré dimanche le président de l'instance, Benoît Luamba.

Cette décision "confirme que la Cour constitutionnelle est au service d'un régime dictatorial (...) en validant des résultats falsifiés", a réagi Fayulu dans un communiqué.

Il s'agit d'"un coup d'Etat constitutionnel", a ajouté le candidat de la coalition d'opposition Lamuka, qui dénonçait la semaine dernière "des résultats qui n'ont rien à voir avec la réalité des urnes".

SUSPICION

La suspicion régnait avant même la proclamation des résultats officiels, des observateurs ayant signalé des irrégularités et des rumeurs faisant état d'un accord entre le gouvernement de Kabila et Tshisekedi.

L'équipe de campagne de Tshisekedi et Kabila ont nié avoir conclu un tel accord.

Dans un entretien téléphonique, le porte-parole du gouvernement a déclaré que le parti au pouvoir avait "pris note" de la décision de la Cour constitutionnelle.

"Félix Tshisekedi va devenir le cinquième président de la République", a dit Lambert Mende.

A l'annonce de la décision, des partisans de Tshisekedi se sont réunis dans les rues de la capitale Kinshasa pour célébrer la victoire du candidat de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).

"Nous sommes heureux que la voix du peuple congolais ait pu être entendue et qu'une passation démocratique et pacifique puisse avoir lieu", a déclaré un porte-parole de Félix Tshisekedi, fils du chef de file historique de l'opposition en RDC, Etienne Tshisekedi.

L'annonce de la Cour constitutionnelle, vue par certains comme à la solde de Kabila, ne devrait cependant pas faire taire les critiques et pourrait provoquer un regain des violences dans le pays.

A Genève, le bureau des droits de l'homme de l'Onu a fait état vendredi de 34 morts, 59 blessés et 241 "arrestations arbitraires" depuis l'annonce des résultats de la Céni une semaine plus tôt.

La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui avait déployé 40.000 observateurs le jour du scrutin, a déclaré que le vainqueur annoncé par la Céni ne correspondait pas à celui issu de son propre décompte.

Elle n'a pas donné le nom de celui qu'elle considère comme le vainqueur. Selon un document que Reuters a pu consulter, il s'agit de Martin Fayulu avec 62% des voix, Tshisekedi et Ramazani étant tous deux crédités d'environ 16,9% des suffrages.

L'Union africaine (UA) avait demandé le report de la proclamation des résultats définitifs, faisant part de ses "doutes sérieux" quant aux résultats provisoires du scrutin, une demande rejetée par la RDC. (Jean Terzian pour le service français)