(Actualisé avec commentaires de Conte, Di Maio)

BRUXELLES/ROME, 8 janvier (Reuters) - La Commission européenne, saisie par la France et l'Allemagne, a annoncé mardi l'ouverture d'une enquête sur le projet de rachat des Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, par Fincantieri en raison de ses craintes en matière de concurrence dans le secteur de la construction navale, ce qui a suscité une vive réaction de l'Italie.

Ce projet n'atteint pas le seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel il doit être notifié à l'exécutif européen mais la Commission a été saisie par la France, rejointe par l'Allemagne, et elle va désormais demander à Fincantieri de lui soumettre son opération.

"Sur la base des éléments fournis par la France et l'Allemagne, et sans préjudice de l'issue de son enquête exhaustive, la Commission considère que l'opération pourrait nuire de manière significative à la concurrence en matière de construction navale, en particulier sur le marché mondial des bateaux de croisière", écrit la Commission européenne dans un communiqué.

Un accord conclu en septembre 2017 avait pourtant mis fin à des mois de tensions sur ce dossier entre la France et l'Italie.

Il prévoit le rachat par Fincantieri de 50% des chantiers navals à l'Etat français, qui doit lui prêter par ailleurs 1% supplémentaire afin qu'il puisse avoir le contrôle opérationnel du groupe.

Le solde du capital doit être in fine détenu essentiellement par l'Etat (33,34% en excluant le prêt de 1%) ainsi que par Naval Group. L'ex-DCNS, désormais détenu conjointement par Thales et l'Etat français, a également conclu un accord avec Fincantieri dans le naval militaire, dont les modalités précises ne sont toutefois pas encore fixées.

A l'Elysée, on souligne que la requête française auprès de la Commission européenne émane de l'Autorité de la concurrence. "Le gouvernement n’en est pas à l’origine. Notre position n’a pas varié et nous sommes toujours favorables au rapprochement", dit la présidence française.

Matteo Salvini, vice-président du Conseil italien, a néanmoins dénoncé l'attitude de la France et de l'Allemagne et a menacé de remettre en cause "tous les accords".

"Ce qui s'est passé est extrêmement grave, la France et l'Allemagne se sont mal comportées. Cela remet en débat tous les accords", a dit le dirigeant de la Ligue, selon une déclaration diffusée par sa porte-parole.

Le président du Conseil italien Giuseppe Conte a déclaré pour sa part dans un entretien télévisé avoir été "surpris" par la décision de la Commission européenne.

Le chef de file du Mouvement cinq étoiles (M5S), Luigi Di Maio, qui est également vice-président du Conseil italien, a appelé lundi les "Gilets jaunes", qui protestent depuis huit samedi consécutifs en France pour plus de pouvoir d'achat et de démocratie participative, à "ne rien lâcher".

Luigi Di Maio et Mattheo Salvini ont eu des échanges vifs sur l'immigration et d'autres sujets et la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a recommandé via Twitter aux deux dirigeants d'apprendre "à balayer devant leur propre porte."

En France, des syndicats ont manifesté récemment leurs inquiétudes sur une prise de contrôle des chantiers français par l'italien, en raison des accords conclus par ce dernier avec des partenaires chinois pour la construction de navires de croisière.

(Philip Blenkinsop, avec Jean-Baptiste Vey à Paris et Gavin Jones à Rome, Bertrand Boucey et Jean-Michel Bélot, édité par Juliette Rouillon)

Valeurs citées dans l'article : Fincantieri SpA, Thales