par Ann Saphir et Jonathan Spicer

SAN FRANCISCO/RUSTON, 13 avril (Reuters) - La présidente de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, a répété à plusieurs reprises ces derniers mois que les prochaines hausses de taux dépendraient des données disponibles sur l'état de l'économie mais des représentants de la Fed se sont récemment interrogés sur la fiabilité de ces indicateurs.

Leurs doutes ne sont pas de nature à simplifier la tâche des investisseurs, des entreprises et des ménages qui cherchent à anticiper au mieux le calendrier et l'ampleur des relèvements de taux de la Fed.

"Je prendrai les estimations de la croissance PIB réel du premier trimestre avec beaucoup de précaution", a ainsi déclaré le responsable des études de la Fed de San Francisco, Glenn Rudebusch, lors d'un entretien avec Reuters vendredi. "Le premier trimestre sera faible mais nous ne pensons pas que cela soit représentatif de la vigueur fondamentale de l'économie."

La première estimation de la croissance économique aux Etats-Unis au premier trimestre sera publiée le 28 avril, au lendemain de la prochaine réunion du comité de politique monétaire de la Fed. Les prévisionnistes tablent sur une croissance très faible: la Fed d'Atlanta s'attend par exemple à une hausse de 0,1% seulement sur la période.

La croissance de l'économie américaine a été de 1,4% en rythme annualisé au quatrième trimestre et les analystes estiment qu'elle doit atteindre au moins 2% pour que le chômage continue de reculer.

Les problèmes statistiques récurrents avec les chiffres de la croissance, tenant aux variations saisonnières qui affectent aussi bien la météo que les habitudes de consommation, font que la croissance du dernier trimestre était sans doute plus proche de 1,6%, estime Glenn Rudebusch.

L'INFLATION EST AUSSI SUJETTE À CAUTION

"Ce n'est pas rien", souligne ce conseiller direct du président de la Fed de San Francisco John Williams, à propos de l'écart entre le chiffre publié et sa propre estimation.

Il est loin d'être le seul représentant de la Fed à faire preuve de scepticisme sur les données économiques. Le président de la Fed de Saint Louis, James Bullard, a dit la semaine dernière qu'il ne tiendrait pas compte des chiffres du PIB du premier trimestre, ajoutant que les solides créations d'emploi, qui ont contribué à ramener le chômage à 5%, donnent une meilleure indication sur la santé de l'économie.

Les prochaines réunions du comité de politique monétaire de la Fed se dérouleront les 26 et 27 avril puis les 14 et 15 juin.

Ce que l'on appelle la saisonnalité résiduelle est l'une des nombreuses difficultés dans l'interprétation des statistiques économiques américaines qui sont fréquemment révisées - et souvent de manière significative - à la hausse comme à la baisse.

"Il est vrai que ce problème particulier, comme tout problème statistique, complique la tâche de la Fed", a dit Lewis Alexander, économiste pour les Etats-Unis de Nomura. "Mais il ne faut pas exagérer et en faire une excuse pour ignorer la faiblesse de certains chiffres."

Tout comme les chiffres du PIB tendent à sous-estimer la croissance, ceux de la hausse des prix donnent une inflation plus forte au premier semestre qu'au second. Les économistes ne s'accordent pas sur les motifs de cette distorsion mais certains l'attribuent aux méthodes statistiques utilisées pour corriger les variations saisonnières dans l'évolution des prix.

LE STATU QUO EN AVRIL SEMBLE ACQUIS

Quelle qu'en soit la raison, le président de la Fed de Chicago, Charles Evans, s'en inquiète et recommande d'attendre que la récente accélération de l'inflation se confirme avant d'y apporter une réponse en relevant à nouveau les taux.

"Il n'est pas complètement acquis que cette augmentation sera durable (...) C'est la raison pour laquelle nous avons une petite latitude, plus qu'une petite latitude, en ce moment, pour attendre et recueillir quelques mois de données sur l'inflation pour être un peu plus confiant sur cela", a-t-il dit à des journalistes à la fin du mois dernier.

L'inflation au Etats-Unis est inférieure à l'objectif de 2% en rythme annuel de la Fed depuis plusieurs années et les dirigeants de la banque centrale ont expliqué vouloir s'assurer qu'elle se rapproche de ce seuil avant de relever les taux.

"Si nous devions relever les taux beaucoup plus sans voir ensuite l'inflation continuer d'augmenter, je serais inquiet", a dit Charles Evans.

Il est difficile de dire si les données sont suffisamment solides pour décider la Fed à procéder aux deux hausses de taux qu'elle projette d'ici la fin de l'année, ou si les intervenants de marché ont raison de parier qu'il n'y en aura qu'une voire pas du tout. Mais il semble acquis que la Fed passera son tour en avril.s

L'institution avait principalement mis en avant les risques liés à l'environnement international pour justifier sa prudence lors de la dernière réunion de son comité de politique monétaire.

"Cela vaut la peine d'être patient dans le contexte actuel et, fondamentalement, de vouloir se montrer prudent et laisser les événements suivre leur cours", a dit lundi le président de la Fed de Dallas, Robert Kaplan. "On verra bien assez vite."

(Marc Joanny pour le service français, édité par Marc Angrand)