PARIS, 5 juin (Reuters) - La mise en examen de la holding Lafarge SA en tant que personne morale dans l'affaire de financement présumé du terrorisme en Syrie, dans laquelle huit de ses ex-cadres sont déjà poursuivis, est reportée d'une quinzaine de jours, a-t-on appris lundi de source proche du dossier.

Ce qui reste du cimentier français, absorbé en 2015 par le suisse Holcim pour former le géant LafargeHolcim (), a demandé et obtenu ce délai à la suite de la récente démission de son président Saad Sebbar, qui devait représenter la société devant les juges d'instruction chargés de l'affaire.

Selon une source proche du dossier, il ne souhaitait pas que son nom soit associé à la mise en examen de Lafarge SA.

"Il ne voulait pas être celui qui serait dans le bureau des juges pour représenter la société, compte tenu des infractions qui sont reprochées, notamment la complicité de crime contre l'humanité", explique-t-on de même source.

Une assemblée générale doit désigner le 22 juin de nouveaux administrateurs, dont un président et un directeur général, qui pourront, l'un ou l'autre, représenter l'entreprise devant les juges lors de l'interrogatoire de première comparution.

Celui-ci devrait avoir lieu dans la foulée, en tout cas avant fin juin, assure-t-on de même source.

Huit anciens dirigeants et cadres de Lafarge, dont son ex-PDG Bruno Lafont, ont déjà été mis en examen, notamment pour financement du terrorisme et mise en danger de la vie d'autrui.

La justice enquête sur les conditions dans lesquelles le cimentier français a maintenu en activité son usine de Jalabiya en 2013-2014 dans une région du nord de la Syrie sous contrôle du groupe Etat islamique (EI).

Elle s'intéresse notamment aux versements effectués par Lafarge, par le biais d'intermédiaires, à des organisations armées, notamment à l'EI, pour permettre le fonctionnement de l'usine, la circulation des salariés et des marchandises.

Elle s'intéresse également à l'achat éventuel de matières premières à des intermédiaires proches de ces groupes.

"La société Lafarge et ses dirigeants ne pouvaient ignorer qu'ils contribuaient ainsi aux crimes contre l'humanité commis par l'EI en Syrie (...) mais aussi dans le reste du monde", estiment les organisations non gouvernementales Sherpa et ECCHR à l'origine de l'information judiciaire ouverte en France.

L'enjeu de la mise en examen de Lafarge SA est de savoir si elle sera étendue à la complicité de crime contre l'humanité, au-delà de financement du terrorisme, mise en danger des salariés et délits douaniers. Ce serait une première pour une multinationale, soulignent les deux ONG. (Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)