Montpellier (awp/afp) - L'essor des objets connectés, maintes fois annoncé mais retardé année après année, est freiné par la multiplicité des acteurs, dont de nouveaux entrants aux reins pas toujours très solides.

Le secteur de l'internet des objets connaît une croissance bien inférieure aux prévisions, alors que diverses études annoncent de 30 à 50 milliards d'objets connectés dans le monde d'ici moins de 15 ans.

"Chacun fait un peu son truc de son côté, avec ses propres spécificités. Les questions de sécurité ainsi que les aspects juridiques viennent encore compliquer la donne. Nous sommes toujours au début, c'est un frémissement", concède Emmanuel Mouton, PDG de Synox, une entreprise toulousaine spécialisée.

L'internet des objets (IoT) désigne un ensemble d'objets qui communiquent à travers des réseaux et transmettent des données sur eux-mêmes ou l'environnement dans lequel ils se trouvent, de façon autonome, sans action humaine.

Il peut s'agir d'appareils domestiques, mais aussi de bracelets connectés, de colis équipés de puces transmettant la localisation de chacun, de véhicules, de robots ou encore de compteurs électriques communicants.

L'un des freins à cet essor vient de la multiplication des standards dans les réseaux qui renforce la confusion au sein des entreprises clientes pas toujours au fait des technologies les plus adaptées à leurs besoins, ce qui les poussent à différer leur décision.

"Il y a beaucoup d'acteurs qui apparaissent et beaucoup disparaitront car au final, les technologies ne sont pas très différentes. Nous ne sommes, à l'heure actuelle, même pas sûrs que les quelques champions qui émergent vont durer", estime ainsi Vincent Bonneau, directeur de la business unit internet à l'institut Idate qui organise son colloque annuel à Montpellier.

Pour les entreprises du secteur, cette hésitation des clients potentiels freine l'émergence d'un standard et les empêche d'atteindre une masse critique et donc d'obtenir des baisses de coûts.

Ils doivent donc démontrer la pertinence des solutions qu'ils proposent pour convaincre les clients de basculer dans le tout connecté, voire combler les faiblesses de concurrents.

- Usages méconnus -

"Un client nous a appelés car il avait connecté son entrepôt mais il ne savait pas quoi en faire, il ne savait pas comment récupérer les données ni les exploiter. Il faut être dans l'accompagnement de l'usage et l'adaptabilité face aux besoins spécifiques", détaille ainsi Soline Olzanski, vice-présidente en charge de la stratégie et de l'innovation chez l'opérateur Hub One.

D'autant que, pour les industries traditionnelles, la transformation numérique va au-delà de la connexion de leurs outils de production et implique souvent une transformation complète de leur fonctionnement.

"Le temps de maturation de la part de clients potentiels est long car nous sommes face à un système qui va assez loin dans la manière dont on transforme une entreprise et qui pose également des questions de fond sur l'usage final de cette évolution", explique ainsi Mme Olzanski.

Or les gains ne sont pas toujours évidents. Si l'amélioration de la productivité est régulièrement mise en avant, cette dernière est parfois relative, dans des entreprises qui ont déjà fortement optimisé leur mode de fonctionnement.

Pour Vincent Bonneau, "dans bon nombre de segments, on utilise déjà les données, sans pour autant être connecté. Alors certes, on pourra désormais faire de la micro-optimisation mais ce n'est pas ce qui fera une différence majeure".

Pour la majorité des spécialistes du secteur, la transformation numérique se fera dans tous les cas même si les entreprises n'ont pas encore une idée précise de l'apport réel sur leur activité.

"Une entreprise qui hésite mais qui voit ses concurrents y aller, elle est obligée de le faire également. Nous sommes face à une telle révolution que toutes les solutions existeront en parallèle, il y a de la place pour tout le monde, en fonction des besoins de chaque client", considère ainsi Emmanuel Mouton.

"Tout ne pourra pas être connecté dans un premier temps, loin de là, et pour ce qui pourra l'être, l'efficacité doit encore être prouvée. A moins d'une innovation bluffante, il faudra un retour sur investissement, ce qui est loin d'être démontré", relativise cependant M. Bonneau.

afp/rp